« L’année 2023 a été emblématique pour l’IRSN. Le rapport d’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), tout d’abord : publié en mars, d’une tonalité positive, il reconnaît la qualité des recherches de l’Institut, son leadership à l’échelle européenne sur plusieurs thématiques ou son engagement volontariste pour l’ouverture à la société. Parmi les points forts, le Hcéres note la démarche d’adaptation et la vision prospective pertinente de l’IRSN pour répondre aux attentes des autorités, des pouvoirs publics et de la société. Il reconnaît enfin la légitimité de ses ambitions pour la période 2022-2026 en vue d’être un institut scientifique, responsable et citoyen.
Sans parler de la reprise des essais dans le réacteur CABRI, ce positionnement d’institut scientifique, responsable et citoyen est d’ores et déjà illustré par plusieurs réalisations de l’année 2023 :
Enfin, je voudrais souligner pour 2023 deux points marquants pour la recherche en radioprotection : le changement d’échelle dans les travaux en radioécologie qui s’intéressent désormais aux effets sur les écosystèmes et les services qu’ils rendent, et la publication de travaux de l’IRSN relatifs à la loi linéaire sans seuil qui viennent apporter de la robustesse au système international de radioprotection. »
Patrice Bueso
Directeur de la stratégie
Comme tout organisme de recherche, l’IRSN accorde à la formation à et par la recherche une importance fondamentale. Son programme doctoral est un vecteur essentiel de transfert des savoirs et des compétences vers les jeunes ainsi qu’un cadre privilégié pour investir de nouveaux domaines et déployer sa politique partenariale.
La centaine de doctorants de l’IRSN représente près du tiers des moyens humains que l’Institut consacre à la production scientifique. En 2023, 30 nouvelles thèses ont été lancées, dont 26 portées par des doctorants salariés de l’IRSN. Ces travaux viennent irriguer l’ensemble des domaines de la recherche. Par ailleurs, 33 thèses ont été soutenues : 12 en sûreté (dont une concernant les installations relevant de la Défense), 11 en santé et 10 en environnement.
Temps fort dans la vie des doctorants, ces journées se sont déroulées fin mars. Elles ont réuni 220 participants, dont 91 doctorants de l’Institut, leurs encadrants et des représentants des principaux partenaires scientifiques de l’IRSN. Les doctorants de deuxième et troisième années ont fait état de l’avancement de leurs travaux et accueilli ceux de première année. Les enjeux de l’intelligence artificielle et du changement climatique étaient au programme avec, respectivement, une conférence sur l’IA et un atelier de la Fresque du climat.
Présidé par le directeur général de l’IRSN, le Comité de sûreté des installations nucléaires (CSNI) de l’AEN/OCDE a pour mission d’identifier les besoins en recherche dans le domaine de la sûreté nucléaire afin que la communauté internationale puisse engager des projets coopératifs en conséquence.
En 2023, le CSNI a débuté l’écriture d’une feuille de route pour les 15 ans à venir, afin de déterminer les programmes à lancer, dans le contexte actuel de relance du nucléaire et de volonté des industriels de prolonger l’exploitation des installations.
Un des grands apports de l’AEN et du CSNI est d’inciter les partenaires à lancer des projets expérimentaux de recherche communs. L’IRSN participe aux 24 projets en cours et en pilote trois : ESTER, CIP et FAIR, pour lesquels il réalise des expérimentations dans ses installations.
Ainsi, le premier essai semi-intégral du programme ESTER a été réalisé avec succès, début 2023, sur le banc expérimental CHIP (Chimie de l’iode dans le circuit primaire) à Cadarache adapté pour ces nouvelles expérimentations. Ce programme vise à mieux identifier les conditions susceptibles de contribuer aux rejets différés dus aux dépôts de produits de fissions sur les surfaces d’une installation lors d’un accident majeur.
Après l’essai CIP1-2B mené fin 2022, le 5e essai du programme international CABRI (CIP) a été réalisé par les équipes de l’IRSN et du CEA le 24 avril 2023, dans l’installation CABRI à Cadarache désormais équipée d’une « boucle à eau », représentative des conditions thermo-hydrauliques d’un réacteur à eau sous pression (REP).
Financé en majeure partie par l’IRSN, ce programme étudie le comportement des crayons de combustible nucléaire dans les réacteurs REP, en situation accidentelle d’excursion de puissance.
Le 1er juin 2023, l’AEN/OCDE a initié, pour une durée de cinq ans, un nouveau programme nommé FAIR. Portant sur le risque incendie, celui-ci regroupe une vingtaine d’organismes. Les campagnes expérimentales seront menées par l’IRSN au sein de sa plateforme expérimentale GALAXIE à Cadarache.
Équipement unique en son genre, l’irradiateur EPICUR de l’IRSN à Cadarache permet d’étudier le comportement de l’iode et de différents matériaux lors d’un accident majeur dans un réacteur nucléaire. Sa spécificité est d’être couplé à une boucle d’essais qui permet de recréer les conditions représentatives d’un tel accident. Le remplacement des sources de cobalt 60 vieillissantes au premier trimestre 2023 a permis la reprise des essais dans EPICUR.
Projets RSNR :
bilan positif
À l’occasion des réunions de clôture des projets RSNR organisées en 2022-2023, l’Agence nationale de la recherche a félicité l’IRSN pour les résultats scientifiques obtenus, la qualité de pilotage des projets et la tenue des engagements. Ces projets, lancés dans le cadre du Programme
des investissements d’avenir, s’inscrivaient dans la prise en compte des facteurs et des conséquences de l’accident de Fukushima-Daiichi et visaient, pour les projets pilotés par l’Institut, à acquérir des connaissances nouvelles sur les accidents graves et leurs conséquences radiologiques.
Éléments clés de la recherche, les plateformes expérimentales et logicielles font l’objet d’investissements importants pour répondre aux besoins de projets scientifiques toujours plus spécifiques.
Inaugurée le 3 février 2023, l’installation MACUMBA de la plateforme MISTRAL située à Saclay permettra d’accueillir différents types de maquettes d’ouvrages en béton armé rencontrés dans les installations nucléaires (enceinte de confinement de REP, parois représentatives de locaux ventilés de laboratoires et d’usines) afin de les soumettre à des sollicitations mécaniques et thermiques maîtrisées. COBRA est le premier programme de recherche conduit dans cette installation. Il a pour objectif d’évaluer le débit de fuite en air sec/air-vapeur et la rétention d’aérosols dans la paroi d’une enceinte de confinement d’un réacteur à eau sous pression de 1 300 MWe, en fonction de son état de fissuration lors d’un accident grave.
Afin de maximiser l’utilisation de ses plateformes expérimentales et logicielles, l’Institut participe au projet OFFERR de valorisation de ces installations à l’échelle européenne. Réunissant 17 partenaires, OFFERR vise à créer un réseau d’infrastructures de recherche expérimentale, à en faciliter l’accès aux scientifiques et étudiants européens, et à contribuer au montage de projets de recherche s’appuyant sur ces installations. OFFERR a publié en avril 2023, son premier appel à projets de recherche utilisant une des 178 installations répertoriées dans sa base de données.
Afin d’acquérir des connaissances relatives au comportement en situation accidentelle d’une nouvelle génération de combustibles plus tolérants aux accidents (en anglais ATF pour « Accident tolerant fuels »), susceptibles d’être déployés demain dans le parc électronucléaire français, l’IRSN s’investit dès aujourd’hui dans de nouveaux programmes de recherche internationaux.
À la suite de l’accident de Fukushima-Daiichi, les fabricants ont lancé le développement de nouveaux types de combustibles avec l’objectif qu’ils présentent une plus grande résistance en situation accidentelle. Les évolutions apportées concernent aussi bien les gainages contenant les pastilles de combustible – notamment pour limiter les phénomènes d’oxydation et de déformation en cas de perte de refroidissement – que les pastilles, afin d’assurer une meilleure rétention des produits de fission et de réduire
les contraintes mécaniques sur la gaine.
L’Institut est ainsi associé à des programmes de recherche, menés sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE, comprenant des campagnes d’essais destinées à étudier le comportement des ATF dans des configurations représentatives de situations accidentelles de réacteurs. L’IRSN s’apprête également à réaliser des expérimentations sur des gainages d’ATF mis à disposition par Framatome, le fournisseur d’EDF. Les résultats de ces travaux permettront à l’IRSN de développer et de valider des modèles spécifiques de simulation du comportement de ces futurs combustibles.
Signé le 19 janvier 2023, l’accord-cadre entre l’IRSN et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) vise à conforter les actions menées par les deux instituts dans le domaine des risques et pour la préservation de la biodiversité et de la santé.
Partenaires de longue date, l’Ineris et l’IRSN, acteurs de référence en matière de risques chimiques et industriels pour le premier et de risques radiologiques et nucléaires pour le second, jouent un rôle complémentaire auprès des pouvoirs publics. La décision de renforcer leur collaboration répond au souhait de coordonner leurs moyens pour répondre à deux défis majeurs :
Quatre thématiques sont plus particulièrement ciblées :
Conclu pour cinq ans, l’accord permettra à l’IRSN et à l’Ineris de partager une réflexion stratégique et prospective, de mutualiser leurs moyens et de renforcer l’efficacité de l’appui apporté aux pouvoirs publics.
Lancé en mai 2023 dans le cadre de France 2030, le programme IRiMa a pour objectif de faire émerger une science du risque capable de contribuer au renforcement de la résilience de la France dans le contexte des changements globaux. Son originalité et sa force sont de regrouper l’ensemble des communautés potentiellement concernées : géosciences et risques naturels ; risques technologiques et nucléaires ; sciences humaines et sociales.
Les travaux menés par l’IRSN visent à mieux connaître l’impact sur l’environnement de l’exposition aux rayonnements ionisants, en vue de préserver à la fois la biodiversité et les avantages que les humains en retirent.
L’IRSN a mené en 2023 des recherches de terrain dans le cadre de ses projets BEERAD et KERO, dans le but d’évaluer les conséquences des rejets radioactifs de l’accident de Fukushima-Daiichi. Le projet BEERAD concerne les effets des rayonnements ionisants sur les abeilles et s’intéresse à la fois à leur santé et à leur capacité à maintenir leurs fonctions de pollinisation et de production de miel. Quant au projet KERO, il se propose d’étudier les conséquences de la contamination radioactive sur la faune, en se focalisant sur une espèce modèle : la rainette Dryophytes japonicus.
Les travaux menés visent à évaluer l’état de santé des écosystèmes, selon des approches diverses et complémentaires. Les services écosystémiques (avantages que les humains retirent des écosystèmes) sont l’une des composantes de cet état de santé. Leur intérêt comme indicateur de l’état de la biodiversité a été souligné dans une publication récente de l’Institut. Dans la même démarche, l’IRSN participe au projet DECORHONE d’identification des services écosystémiques assurés dans le corridor du Rhône, afin de disposer d’un état des lieux avant d’étudier l’impact des rayonnements ionisants.
L’IRSN conduit des études épidémiologiques destinées à mieux comprendre les effets de l’exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants, afin d’améliorer la prévention et de vérifier la validité du système de radioprotection.
L’étude EPI-CT publiée dans les revues Lancet Oncology et Nature Medicine confirme l’existence d’excès de risques de tumeur cérébrale maligne et d’hémopathie maligne après des examens scanners réalisés chez l’enfant et l’adolescent. Ces risques de cancer augmentent avec la dose délivrée, mais restent très faibles au regard du bénéfice diagnostique des examens réalisés.
De même, l’étude INWORKS publiée dans le British Medical Journal confirme l’existence d’une relation entre le risque de décès par cancer et l’exposition répétée à de faibles doses de rayonnements ionisants chez les travailleurs de l’industrie nucléaire.
Par ailleurs, l’IRSN a publié dans le Journal of Radiological Protection son point de vue sur la validité du modèle linéaire sans seuil (en anglais « LNT model » pour Linear No Threshold). À partir d’une synthèse de l’état des connaissances récentes en radiobiologie et en épidémiologie, l’IRSN conclut que le modèle LNT est adapté à l’estimation du risque de cancer associé à l’exposition aux rayonnements ionisants en support au système de radioprotection.
Deux projets de recherche ont été lancés en 2023 à l’IRSN. « Watch your heaRT » vise à évaluer le risque d’arythmies cardiaques dans les cinq ans après une radiothérapie pour un cancer du sein. Financé par l’ANSES, « BECOME » porte sur l’étude du risque de cancer du cerveau radio-induit chez les professionnels médicaux.