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RECHERCHE

La recherche constitue une activité essentielle pour l’IRSN qui y consacre environ 40 % de ses ressources. Cet effort, maintenu en 2022, poursuit deux objectifs principaux. Il s’agit, d’une part, d’apporter aux équipes de l’Institut en charge de l’évaluation des dossiers liés à la sûreté nucléaire, à la radioprotection de l’environnement, du public, des patients et des travailleurs, à la surveillance radiologique de l’environnement ou à la santé, des connaissances nouvelles issues d’une recherche finalisée leur permettant de remplir, en toute indépendance, leur mission d’expert public des risques radiologiques et nucléaires, en appui aux pouvoirs publics dans ces domaines. Il s’agit, d’autre part, d’éclairer un avenir plus lointain, dans une démarche de recherche anticipative, voire exploratoire, visant à acquérir des connaissances et des compétences dans de nouvelles voies ou de nouveaux concepts, en matière non seulement de technologie, mais aussi d’organisation.

Quelles que soient leur nature et leur portée – nationale, européenne ou internationale –, les programmes de recherche menés par l’IRSN sont conçus, pour la plupart d’entre eux, dans une approche partenariale, avec des universités, des laboratoires, des organismes techniques de sûreté nucléaire, etc. Ils s’inscrivent également dans le cadre de dispositifs tels que le programme Recherche en matière de sûreté nucléaire et radioprotection (RSNR) de l’Agence nationale de la recherche ou le programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon Europe de la Commission européenne. Enfin, pour la définition de sa politique de recherche et l’orientation ses programmes, l’Institut s’appuie sur deux instances complémentaires – le Conseil scientifique et le comité d’orientation des recherches.


PARTAGE ET DIFFUSION DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES

REPRISE DES SÉMINAIRES EN PRÉSENTIEL

Élément incontournable d’une recherche efficiente, le partage des connaissances entre scientifiques fait l’objet de réunions régulières qui ont pu reprendre en 2022 en présentiel après deux années d’interruption.

Ainsi, les doctorants de l’Institut se sont retrouvés, dans le cadre des Journées des thèses 2022, du 28 au 31 mars, pour présenter l’avancement de leurs projets. Ces journées ont rassemblé 95 doctorants, leurs encadrants, ainsi que des représentants d’organismes partenaires. Outre les échanges qu’elles permettent sur la diversité des thématiques étudiées au sein de l’Institut, ces journées font partie intégrante du cursus des doctorants, leur permettant de travailler à la présentation de leurs travaux, sous forme de posters pour les doctorants de première année et à l’oral pour les autres.

Relevant de la même démarche, des Journées des thèses thématiques sur le combustible nucléaire sont organisées dans le cadre d’un partenariat quadripartite entre l’IRSN, EDF, Framatome et le CEA. Elles permettent là encore aux doctorants ou post-doctorants de présenter leurs travaux. La dixième édition de cette Journée a eu lieu en juillet 2022 à Pertuis. Elle a permis à neuf doctorants de l’IRSN de partager avec plus de 30 spécialistes du domaine l’avancée de leurs travaux, aussi bien expérimentaux que théoriques. Parmi ces travaux figurent des pistes novatrices permettant de chauffer le combustible par des lasers.

L’année 2022 a également renoué avec l’organisation de la Journée de recherche en sûreté, le 9 juin, à Cadarache. Outre les équipes de recherche, cette journée a accueilli des collaborateurs de l’IRSN dans le domaine de l’expertise et de la Direction de la stratégie. Consacrée à l’excellence scientifique et à l’innovation, cette journée a permis, au travers d’interventions plénières et d’échanges autour d’une trentaine de posters, d’illustrer les principales activités de la recherche que sont la modélisation, l’expérimentation et le développement de logiciels de simulation scientifiques. Elle a en outre fortement contribué à reconstruire un collectif mis à mal par la crise sanitaire et permis aux scientifiques et aux experts techniques de partager entre eux, sur la diversité de leurs recherches visant le même objectif : faire progresser la sûreté.

Dans le domaine plus précis des sciences des données, le deuxième séminaire SCIDONI (Science des données à l’IRSN) a réuni, les 12 et 13 mai, près d’une centaine de collaborateurs de l’IRSN, membres de la communauté de pratiques dédiée à la gestion et la valorisation des données autour de trois temps forts : session pédagogique, sessions techniques et tables rondes sur l’intégration des sciences des données et sur le développement d’une intelligence artificielle. Ce séminaire a contribué à renforcer l’acculturation de l’IRSN sur les sciences des données et à favoriser la transversalité dans ce domaine.

Enfin, dans le cadre de l’expertise technique liée au projet de stockage de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL) en couche géologique profonde (le projet CIGÉO), l’IRSN a organisé en septembre un séminaire sur les « fractures naturelles en formation argileuse » qui a rassemblé 80 experts internationaux. Ce séminaire avait pour objectifs de dresser un état de l’art sur les caractéristiques des fractures en milieux argileux et d’identifier les connaissances à approfondir le cas échéant pour la modélisation des éventuels écoulements d’eau associés.

ÉVALUATION PÉRIODIQUE DE LA RECHERCHE À L’IRSN PAR LE HCÉRES

Prévue tous les cinq ans pour les établissements publics menant des activités de recherche, l’évaluation, comme le prévoit le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), comporte deux parties : l’évaluation des unités de recherche et celle de l’établissement dans son ensemble. Pour l’évaluation des unités de recherche, l’Institut avait proposé et obtenu la validation de sa propre instance externe d’évaluation. Elle a donc été mise en œuvre dès 2018 et s’est étendue sur un plan quinquennal prévoyant l’évaluation successive des 15 groupes thématiques de recherche (GTR) issus de la déclinaison de la stratégie scientifique de l’IRSN. Elle a abouti en 2022, avec l’évaluation, et la remise du rapport d’évaluation par chacune des commissions d’évaluation dédiées, des six derniers GTR : dosimétrie, confinement, radiobiologie radiopathologie et actions thérapeutiques, risques naturels, activités en SHS et vieillissement des installations et des systèmes.

L’établissement a été évalué en 2022. À cette fin, l’IRSN a établi son rapport d’autoévaluation, et remis celui-ci au Hcéres le 30 juin 2022. L’évaluation de l’établissement s’est poursuivie par l’accueil du comité d’évaluation à Fontenay-aux-Roses du 8 au 10 novembre 2022, 3 jours pendant lesquels ont eu lieu une quarantaine d’entretiens individuels ou collectifs de représentants IRSN et de ses partenaires. Le processus d’évaluation se conclura en mars 2023 avec la remise du rapport définitif du Hcéres.
Consulter le rapport Hcéres 2023

Brève

RENFORCER LA COMPLÉMENTARITÉ ENTRE RECHERCHE ET EXPERTISE DANS LE DOMAINE DE LA SÛRETÉ

L’IRSN a organisé pour la première fois, du 21 au 23 novembre 2022, des rencontres expertise – recherche en matière de sûreté nucléaire, dans le cadre de la semaine IRE (Intégration recherche expertise) : trois demi-journées ont été consacrées aux travaux de recherche menés au sein de l’IRSN pour conforter, accompagner, guider ou anticiper les besoins de l’expertise. Les sujets évoqués ont notamment abordé le comportement des peaux d’étanchéité des REP en condition d’accident grave, les études des chemins de propagation d’un incendie ou encore l’évaluation des débits de fuite au travers des parois de béton fissurées…

Les exposés ont nourri de nombreux échanges entre experts et chercheurs. Ils ont permis de souligner la collaboration très forte entre les équipes pour permettre aux uns d’améliorer leurs connaissances collectives et de mieux comprendre le contexte de leurs travaux, aux autres d’argumenter avec pertinence les conclusions de leurs expertises.

Ces rencontres ont rassemblé à chaque fois plus d’une centaine de collaborateurs de l’Institut, en présentiel ou à distance.

FORMATION PAR LA RECHERCHE

Dans tout organisme de recherche, la formation à et par la recherche répond à une mission fondamentale de transfert des connaissances et des compétences acquises au sein de ses laboratoires. Pour l’IRSN, elle est aussi un levier privilégié pour piloter ses programmes de recherche et leur évolution ; elle fait à ce titre l’objet d’une attention particulière.

Le dispositif de formation à et par la recherche de l’IRSN représente une centaine de doctorants et post-doctorants, soit près d’un quart des moyens humains consacrés aux activités de recherche de l’Institut. En 2022, ce sont 36 nouvelles thèses qui ont démarré et 25 qui ont été soutenues.

Les sujets couvrent une large palette de disciplines scientifiques, physique, biologie ou sciences sociales et les travaux contribuent directement à la maîtrise des risques nucléaires et à la protection de la population et de l’environnement contre les risques radiologiques. Les campagnes de thèses successives sont ainsi mises à profit pour investir de nouveaux domaines, explorer de nouveaux concepts ou outils scientifiques, ou développer de nouveaux partenariats.

En complément de son programme doctoral, l’IRSN accueille chaque année plusieurs jeunes chercheurs dans le cadre de contrats post-doctoraux. Recrutés pour une durée moyenne de 18 mois, ils contribuent souvent à des projets de recherche ambitieux sur le plan scientifique. En 2022, ils étaient neuf à rejoindre les équipes de chercheurs de l’Institut, six en lien avec des projets lauréats des appels Horizon Europe ou ANR, un dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence spatiale européenne (ESA) et deux pour mener des travaux soutenus par l’IRSN au titre de son programme de recherche exploratoire.

Compte tenu de la place particulière que jouent ses doctorants dans son activité scientifique, l’IRSN est attentif à bien les accompagner. Ils bénéficient ainsi d’un cursus de formation adapté, destiné à faciliter leur apprentissage de l’activité de recherche et plus largement à préparer leur futur parcours professionnel. L’accompagnement proposé prend par exemple la forme d’ateliers de rédaction d’articles scientifiques, de conseils sur la constitution d’un réseau professionnel ou de modules de formation sur la mise en œuvre des politiques d’open access et d’ouverture à la société, ou des exigences en matière d’intégrité scientifique.

Le développement des aptitudes en matière de communication et de vulgarisation est également encouragé. Fin mars 2022, neuf doctorants ont ainsi participé au concours d’éloquence « 3 minutes pour une thèse » organisé par l’Institut et diffusé en direct sur sa chaîne YouTube dans le cadre des Journées des thèses IRSN. Pour les accompagner dans cet exercice, les candidats ont auparavant bénéficié d’une formation à la prise de parole en public.

2022 a par ailleurs vu l’Institut procéder à une revalorisation importante de la rémunération de ses doctorants. Reprenant à son compte les objectifs fixés par la loi de programmation de la recherche, l’IRSN a décidé de faire passer cette rémunération à 2 300 € brut par mois dès le mois de septembre 2022 ce qui représente une augmentation de plus de 200 €.

Parallèlement aux actions précédentes, l’IRSN continue à renforcer sa capacité à encadrer des doctorants en encourageant ses chercheurs à passer une habilitation à diriger des recherches (HDR). Cinq HDR ont été soutenues avec succès en 2022, portant à 69 le nombre de HDR dans les rangs de l’Institut.

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Marie Frèrejacques,
doctorante lauréate du concours IRSN « 3 minutes pour une thèse » 2022 avec Un crime toxique presque parfait

« 3 minutes pour une thèse » est un exercice que je recommande à tous les doctorants ! Cela permet à la fois de prendre du recul sur son travail et de le vulgariser pour pouvoir l’expliquer à nos proches, et d’apprendre à parler en public. Une compétence qui est bien utile, y compris lors des congrès scientifiques où il est important de contextualiser son propos pour les participants qui viennent de domaines plus ou moins éloignés du nôtre. Cela permet de dynamiser son intervention.

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Raphaël Gavart,
doctorant

Ce n’est pas simple de résumer en trois minutes un travail de trois ans ! Il faut trouver le bon niveau de vulgarisation, trouver un compromis entre la simplification et le développement de notions complexes. Mais cela permet d’apprendre à gérer son stress et à avoir une bonne posture pour parler en public. Nous avons bénéficié d’une formation qui nous a permis de travailler sur la simplification du contenu mais aussi sur la prise de parole en public. C’est très formateur.

PARTENARIATS SCIENTIFIQUES

RENFORCEMENT DES PARTENARIATS ACADÉMIQUES

Afin de conforter sa position dans le paysage scientifique français et d’accroître la prise en charge de ses sujets d’intérêt, l’IRSN travaille depuis quelques années au renforcement de ses liens avec le monde académique. En complément des relations qu’il entretient de longue date avec les acteurs du nucléaire et en particulier le CEA, il a dans ce cadre choisi de recentrer sa stratégie partenariale autour d’une relation privilégiée avec le CNRS, l’Université Paris-Saclay et Aix-Marseille Université.

Avec le CNRS, une feuille de route commune a été établie en 2022, dans la continuité de l’accord-cadre renouvelé fin 2020 entre les deux organismes. Celle-ci précise six thématiques où la collaboration se renforce : l’altération des matériaux, des composants et des structures ; les séismes et les interactions sol-structure ; les recherches transverses in situ dans le domaine de l’environnement ; les nouvelles techniques nucléaires pour la santé ; les capteurs et la métrologie ; les plateformes logicielles et la simulation. Deux domaines transverses sont également concernés : les capteurs, les mesures et leur traitement ; les codes et les plateformes de modélisation scientifique. Pour contribuer au bon déroulement de cette collaboration, un dispositif d’animation spécifique a été mis en place. Il vise à combiner le potentiel de recherche fondamentale du CNRS et les capacités de recherche appliquée de l’IRSN pour renforcer l’évaluation des risques nucléaires et radiologiques et contribuer à relever les défis énergétiques et de santé.

S’agissant ensuite de l’Université Paris-Saclay, un accord-cadre a été signé en mars. Il couvre plus spécifiquement les domaines de recherche portés par les équipes de l’Institut localisées en Île-de-France : la santé, les géosciences et certains aspects de la sûreté nucléaire (neutronique, physique des aérosols, comportement des matériaux). En matière de formation, l’accord-cadre permet d’optimiser l’intervention des chercheurs de l’IRSN dans les programmes d’enseignement de l’Université Paris-Saclay et de mieux faire connaître l’Institut auprès des étudiants. Enfin, l’accord-cadre prévoit une approche mutualisée des infrastructures de recherche entre les deux entités, y compris pour de futurs équipements.

En ce qui concerne, pour finir, les relations avec Aix-Marseille Université, l’implication étroite des équipes de recherche de Cadarache dans trois des instituts de l’Université (ISFIN, ITEM et Institut Sciences de l’Océan) a été complétée par des contacts à un niveau institutionnel en vue d’étudier la mise en place en 2023 d’un cadre général de collaboration.

HORIZON EUROPE : L’IRSN RETENU POUR DE NOMBREUX PROJETS

Les projets de recherche EURATOM menés au titre du programme Horizon Europe constituent pour l’IRSN un cadre essentiel de collaboration avec différents partenaires européens. Dans le domaine de la protection du public, des travailleurs et des patients ainsi que de l’environnement contre les rayonnements ionisants par exemple, le programme conjoint européen CONCERT mené au titre du huitième programme-cadre H2020 a permis d’obtenir des résultats sur lesquels s’appuie aujourd’hui le partenariat PIANOFORTE. Retenu début 2022 par la Commission européenne, ce dernier constitue un projet d’envergure qui réunit, sous la coordination de l’IRSN, 58 partenaires issus de 25 États membres de l’Union européenne autour d’un objectif commun : franchir une nouvelle étape dans la construction d’une Europe de la radioprotection. Dans cet esprit, le consortium porteur du projet propose un ambitieux programme de recherche dans de multiples domaines tels que les effets secondaires des traitements utilisant des rayonnements ionisants, les différences de radiosensibilité des individus ou encore la résilience en situation de crise et post-accidentelle.

PIANOFORTE constitue l’un des deux partenariats d’envergure pilotés par l’Institut, aux côtés d’ASSAS, projet destiné à démontrer, dans le domaine de la sûreté nucléaire, la faisabilité d’un simulateur d’accidents graves utilisant le code intégral ASTEC, développé et utilisé par l’IRSN pour ses études et expertises, et qui s’est imposé en tant que code européen de référence dans ce domaine.

Ces deux projets phares font partie des 15 propositions élaborées avec la participation de l’IRSN et soumises à la Commission européenne qui en a retenu 11, ce qui constitue un résultat satisfaisant et représente pour l’Institut un budget alloué de 4,2 M€.
Pour en savoir plus

RECHERCHE EN SÛRETÉ

La recherche en sûreté menée par l’IRSN en 2022 était largement consacrée à la thématique des accidents graves, avec le lancement de projets tels qu’ASSAS dans le domaine de la simulation, la poursuite de projets comme PERFROI dans celui de la perte accidentelle de refroidissement, ou encore la clôture de programmes comme MITHYGÈNE et SAMYCHO dans le domaine du risque hydrogène. La conduite de ces projets repose, pour la plupart d’entre eux, sur l’utilisation de différentes plateformes expérimentales de l’IRSN situées à Cadarache (Bouches-du-Rhône).

La recherche dédiée à la sûreté des concepts innovants, comme les systèmes de sûreté passifs, et les études en sciences humaines et sociales, au sujet par exemple de la conduite de projets complexes et de la résilience, ont également constitué des éléments saillants de l’année.

SIMULATION DES ACCIDENTS GRAVES : L’IRSN COORDINATEUR DU PROJET ASSAS

Lancé en novembre 2022 dans le cadre du programme de recherche Horizon Europe, le projet intitulé « Intelligence artificielle pour la simulation des accidents graves » (ASSAS) s’inscrit dans la logique du développement par l’IRSN du code ASTEC d’évaluation du terme source de l’accident, devenu le code intégral européen de référence dans le domaine de la modélisation des accidents graves.

Avec ASSAS, l’IRSN et ses partenaires entendent aller plus loin en démontrant la faisabilité d’une extension des simulateurs nucléaires au domaine des accidents graves, en s’appuyant sur le code ASTEC. Le prototype développé dans le cadre du projet pourra notamment contribuer à la formation des étudiants, experts et non-experts de l’énergie nucléaire. Pour cela, il proposera un modèle générique simplifié de réacteur à eau sous pression (REP) du type de ceux en service aux États-Unis et en Europe de l’Ouest. Il comportera également une interface graphique permettant de contrôler la simulation – en temps réel, voire plus rapidement pour certaines phases de l’accident – et de visualiser les principaux phénomènes à l’œuvre dans un scénario accidentel grave donné, aussi bien lors des phases en cuve et hors cuve.

S’appuyant sur l’expérience acquise par les 13 partenaires du projet en matière de modélisation des accidents graves, de simulation du comportement de réacteurs nucléaires et de sciences des données, ASSAS mobilisera des techniques de programmation efficace et de parallélisation ainsi que l’intelligence artificielle pour améliorer les performances d’ASTEC. La base d’apprentissage, constituée de séquences d’accidents graves et utilisée pour l’entraînement automatique des algorithmes d’intelligence artificielle (machine learning), sera partagée dans un cadre open source.

Le prototype de simulateur constituera la première étape pour le développement de simulateurs analytiques ou pleine échelle étendus aux accidents graves. Ceux-ci pourront être employés dans le futur pour développer des guides d’intervention en accident grave, évaluer la performance de nouveaux systèmes de sûreté et former les opérateurs à leur utilisation.

RECHERCHE DÉDIÉE AUX SYSTÈMES DE SÛRETÉ PASSIFS : L’IRSN LANCE LE PROJET PASTIS

L’accident de la centrale japonaise de Fukushima-Daiichi au mois de mars 2011 a montré, dans certaines situations extrêmes, la vulnérabilité des systèmes de sûreté dont le fonctionnement nécessite une source d’énergie extérieure ou une intervention humaine (notamment dans le domaine du refroidissement du cœur d’un réacteur). Pour faire face à cette vulnérabilité, des concepteurs de réacteurs nucléaires proposent la mise en œuvre de systèmes de sûreté dits « passifs », pilotés par des phénomènes naturels générés par les événements survenant dans un réacteur, notamment dans des situations anormales.

L’utilisation de ces systèmes étant envisagée dans la plupart des nouveaux concepts de petits réacteurs modulaires dits SMR (pour Small Modular Reactors) afin de gérer des situations potentiellement accidentelles et d’empêcher leur évolution vers des accidents plus graves, l’IRSN a décidé en 2022 de lancer un programme de recherche en thermohydraulique des systèmes de sûreté passifs dénommé PASTIS (pour PAssive Systems Thermalhydraulic Investigations for Safety) afin de pouvoir, le moment venu, évaluer la performance de ces systèmes au regard des exigences de sûreté.

En effet, si les réacteurs à eau sous pression font déjà appel à certains systèmes passifs de sûreté tels que les barres de contrôle de la fission nucléaire, les recombineurs d’hydrogène ou les accumulateurs du système d’injection de sécurité, certains concepts de SMR en font la base de leurs fonctions de sûreté. Aussi leur performance et leur fiabilité ainsi que les phénomènes physiques sur lesquels ils reposent doivent être confortés et investigués à la lumière des situations accidentelles susceptibles d’être rencontrées.

Dans cet esprit, le projet de recherche conçu par l’IRSN et bénéficiant d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre de France 2030 comprend, dans une première phase qui s’étend de 2022 à 2025, le développement d’une plateforme expérimentale composée de deux installations : une boucle thermohydraulique dénommée ALCINA (pour AnaLyse de la Circulation Naturelle), simulant le principe d’un safety condenser, dédiée à l’analyse des paramètres d’influence sur la circulation naturelle diphasique et une enceinte refroidie par une paroi de condensation dénommée KoKoMo (pour COndensation in a COntainment MOdel facility), simulant le principe d’un cold wall condenser, dédiée à l’étude des mouvements convectifs et des effets couplés condensation – stratification dans une enceinte de confinement immergée dans une piscine en situation d’accident. La seconde phase du projet, à partir de 2026, sera dédiée, dans le cadre de projets de recherche internationaux, à la conduite sur cette plateforme de campagnes d’expérimentation ainsi qu’au développement de modèles thermohydrauliques et à la validation de codes, utilisés ensuite par les experts dans l’évaluation des risques.

SUCCÈS DE LA NOUVELLE CAMPAGNE D’ESSAIS PERFROI/COAL

Dans le cadre du projet PERFROI, 2022 a vu la réalisation d’une troisième campagne d’essais COAL relative à la tenue des crayons de combustible pressurisés et déformés par échauffement à la suite d’un accident de perte du réfrigérant primaire (APRP) et à la capacité du cœur du réacteur à être refroidi. Menée à l’aide d’un dispositif expérimental développé par l’IRSN et implanté dans une boucle thermohydraulique mise à disposition par STERN Laboratories au Canada, cette troisième campagne viendra enrichir la base de données expérimentales utilisée pour valider et améliorer le logiciel DRACCAR, développé par l’IRSN pour simuler le comportement du combustible nucléaire lors d’un APRP et utilisé en appui de ses expertises.

La réalisation d’essais à haute température était l’un des défis technologiques du programme COAL. Pour cela, une conception originale de crayons chauffants a permis de réussir un total de huit expériences au-dessus de 1 000 °C sans aucun dommage sur les crayons et peu de pertes de thermocouples : un exploit technique à souligner.

RECHERCHE EN INCENDIE : CLÔTURE DU PROJET PRISME 3

Troisième phase du programme international de recherche PRISME dédié, depuis 2006, à l’étude des incendies et de leurs vecteurs de propagation dans les locaux confinés et ventilés typiques d’une installation nucléaire, le projet PRISME 3 a fait appel aux installations de la plateforme expérimentale GALAXIE, mise en œuvre par l’IRSN à Cadarache (Bouches-du-Rhône), dans l’objectif d’approfondir les connaissances acquises dans trois domaines : la propagation des fumées lors d’un incendie dans une installation multi-compartiments, la propagation d’un feu d’armoire électrique vers des armoires électriques voisines et enfin la propagation d’un feu sur des chemins de câbles.

Le séminaire de clôture de ce projet engagé en 2017 sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (AEN/OCDE) a réuni fin octobre à Cadarache 12 partenaires issus de huit pays. Les échanges autour du rapport de synthèse du projet PRISME 3 ont montré que si certains résultats – comme l’identification des différents chemins de propagation du feu entre une armoire électrique et d’autres armoires – étaient directement valorisables pour les évaluations de sûreté, d’autres mettaient en évidence les limites actuelles des outils de simulation et le besoin d’accroître significativement l’étendue de leurs domaines de validation. C’est le rôle assigné au projet Fire risk Assesment through Innovative Research (FAIR) piloté par l’IRSN dont le lancement est programmé pour 2023, toujours sous l’égide de l’AEN.

MISE EN SERVICE DE LA PLATEFORME LOGICIELLE FUEL+

L’objectif de la plateforme logicielle FUEL+ est de modéliser le comportement du combustible nucléaire en fonctionnement normal, incidentel et accidentel dans les réacteurs ainsi que lors de son entreposage en piscine de désactivation et de son transport pour retraitement. Conçue sur un principe de mutualisation et de couplage de différents logiciels développés par l’IRSN, tels que SCANAIR et DRACCAR, la plateforme FUEL+ permet de modéliser l’ensemble des phénomènes thermomécaniques, thermochimiques et thermohydrauliques intervenant dans et autour du combustible nucléaire et de sa gaine à l’échelle du crayon combustible, de l’assemblage ou du cœur du réacteur.

CLÔTURE DES PROGRAMMES MITHYGÈNE ET SAMHYCO-NET

L’année 2022 a vu l’achèvement de deux projets de recherche de l’IRSN liés au risque hydrogène. Financé par l’État dans le cadre du programme Recherche en matière de sûreté nucléaire et radioprotection (RSNR), le premier, dénommé MITHYGÈNE, a permis de développer et de qualifier aux conditions « accidents graves » un prototype de mesure des concentrations des gaz composant l’atmosphère de l’enceinte de confinement en phases en cuve et hors cuve lors d’un accident grave dans un réacteur. Il a également porté sur la réalisation et l’analyse d’essais menés sur l’impact de l’emplacement de recombineurs autocatalytiques passifs, de la combustion de l’hydrogène et l’interaction flamme-structure. Les résultats ainsi obtenus ont permis de conforter les règles adoptées par l’exploitant EDF pour l’emplacement des recombineurs dans l’enceinte de confinement, d’améliorer les outils utilisés pour évaluer le risque hydrogène et d’établir des recommandations pour l’amélioration des actions de gestion de l’aspersion lors d’un accident grave.

Le second, dénommé SAMHYCO-NET, est un projet international coordonné par l’IRSN, soutenu par la plateforme européenne NUGENIA. Il a permis d’améliorer la connaissance relative au comportement des recombineurs soumis à des atmosphères représentatives des phases tardives d’un accident grave.

RECHERCHE EN CRITICITÉ : TROIS AVANCÉES MAJEURES POUR LE PROJET PRINCESS

Mené dans le cadre de partenariats internationaux, le projet PRINCESS vise à acquérir des données expérimentales en neutronique et en criticité. À ce titre, trois expériences majeures ont été menées aux États-Unis en 2022. La première porte sur des mesures de bruits neutroniques utilisant pour la première fois la chaîne de détection de l’IRSN. La deuxième consiste en un exercice de dosimétrie qui permet de s’entraîner à l’évaluation des doses reçues par les travailleurs en cas d’accident de criticité. La dernière est une expérience de criticité réalisée spécifiquement pour les besoins de l’IRSN dans la continuité du programme MIRTE, programme réalisé en France de 2008 à 2013, destiné à faire progresser la connaissance relative aux caractéristiques neutroniques de certains nucléides présents dans les matériaux de structure utilisés dans le cycle du combustible nucléaire.

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Céline Poret,
chercheuse en sciences
humaines et sociales
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Alexandre Largier,
chercheur en sciences
humaines et sociales

RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES : LA CONDUITE DE PROJET COMPLEXE ET LA RÉSILIENCE EN QUESTION

Des évolutions intervenues dans l’environnement industriel conduisent l’IRSN à s’intéresser, dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, aux problématiques de conduite de projets complexes et de résilience sous l’angle des facteurs organisationnels et humains. Chercheurs en sciences humaines et sociales au sein de l’Institut, Céline Poret et Alexandre Largier en expliquent les raisons.

Quelles questions soulèvent selon vous l’incidence des transformations constatées dans l’environnement industriel du point de vue de la conduite de projets dans le secteur nucléaire ?
Céline PoretPour faire face à ces évolutions, qui nécessitent notamment des organisations actuelles qu’elles soient réactives et flexibles, les différents secteurs industriels se sont structurés par processus, mettant en place une gestion par projets, des coopérations dans le cadre de supply chains qui intègrent des fournisseurs, des sous-traitants… Ces configurations organisationnelles « transversales » remettent en cause la structure hiérachico-fonctionnelle des organisations traditionnelles et soulèvent des questions en sciences humaines et sociales. L’une d’entre elles est de comprendre comment les différentes dimensions de la performance – dont la sûreté, la sécurité des patients et la radioprotection – se construisent et se maintiennent dans des organisations qui se caractérisent par une multidistribution des activités, à la fois spatiale, temporelle, multi-entreprises, etc.

Comment l’IRSN aborde-t-il cette complexité nouvelle ?
CP Nous cherchons à appréhender au travers de notre programme de recherche « Gestion des coopérations complexes » les mécanismes qui font que les articulations entre différents acteurs et la performance finale obtenue ne se résument pas à une simple somme de contributions. Pour cela, nous menons des projets qui s’intéressent à la fois à des configurations organisationnelles et à des dimensions de la performance différentes. Certaines configurations organisationnelles se caractérisent ainsi par des activités qui se chevauchent de manière distribuée dans l’espace et le temps, comme la fabrication de grandes pièces forgées et moulées ou la préparation des traitements en radiothérapie, tandis que d’autres se caractérisent par des activités qui se chevauchent dans un même espace, comme le prolongement nord de la ligne 14 de la RATP ou le projet CIGÉO de stockage géologique de déchets nucléaires. Aussi, dans certains projets nous cherchons à comprendre comment la sûreté nucléaire est construite et maintenue dans ces organisations, alors que dans d’autres il s’agit de regarder la radioprotection et/ou la sécurité des patients.

Que faut-il entendre par « résilience » dans le nucléaire ?
Alexandre LargierLa notion de résilience, quoique relativement récente dans le domaine de la maîtrise des risques, est de plus en plus présente dans le quotidien des entreprises et, plus largement, dans celui de la société. Les activités menées dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection n’y font pas exception. La résilience, qui s’impose désormais comme un concept important en matière de maîtrise des risques, implique un changement de paradigme destiné à dépasser des démarches de prévention des risques. Afin d’en tirer la plus forte contribution possible à la maîtrise de ces derniers, nous cherchons à cerner les conditions dans lesquelles un tel concept doit être mobilisé et comment il s’articule avec des notions telles que la robustesse et l’anticipation, ou d’autres concepts développés en sciences humaines et sociales comme l’ajustement ou l’adaptation. Au mois de juillet 2022, l’IRSN a participé au 56e congrès de la Société d’ergonomie de langue française, consacré aux vulnérabilités et aux risques émergents, et a présenté une analyse dont la principale conclusion était que le spectre de la résilience devait être réduit afin d’en avoir un usage pertinent. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, la résilience pourrait être définie comme la capacité d’un système sociotechnique à s’adapter à un éventail de situations anormales, dégradées et critiques, en développant des capacités d’anticipation, de réponse et de récupération à différents niveaux d’organisation, afin de faire face à des événements inattendus.

RECHERCHE EN SANTÉ

L’année 2022 a notamment été marquée par des étapes importantes à l’échelle européenne en matière de radioprotection, avec le démarrage du projet de partenariat PIANOFORTE et la publication, dans le cadre du projet MEDIRAD, de recommandations visant à renforcer la radioprotection des patients et du personnel médical. À noter également la poursuite du déploiement des nouvelles modalités d’administration d’iode stable pour mieux protéger la population en cas de rejets d’iode radioactif.

PIANOFORTE, UNE VISION PARTAGÉE DE L’AVENIR DE LA RADIOPROTECTION

Sélectionné par la Commission européenne et coordonné par l’IRSN, le projet de recherche PIANOFORTE est une nouvelle étape dans la construction d’une Europe de la radioprotection. Regroupant 58 partenaires représentant 22 pays de l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Norvège, et coordonné par l’IRSN, il est co-financé par le programme EURATOM et les États membres.

Ce projet concrétise une vision partagée de l’avenir de la radioprotection dans le cadre d’Horizon Europe, programme-cadre de recherche et d’innovation de l’UE pour la période 2021-2027. PIANOFORTE succède au programme européen CONCERT de recherche en radioprotection et traduit en termes programmatiques la vision commune d’organismes et de plateformes de radioprotection.

PIANOFORTE contribuera aux politiques européennes prioritaires que sont la lutte contre le cancer, la protection de la santé vis-à-vis des risques environnementaux et l’amélioration de l’anticipation et de la résilience en situation de catastrophe. Dans ce but, les recherches multidisciplinaires seront favorisées et les projets de recherche, axés sur des priorités clairement identifiées, seront sélectionnés par le biais d’appels d’offres.

Ainsi, entre 2023 et 2025 seront notamment organisés trois appels d’offres, ouverts à l’ensemble de la communauté européenne de la recherche pour la radioprotection et centrés sur quatre thèmes :

  • l’amélioration de la radioprotection des patients en lien avec l’utilisation des rayonnements ionisants dans le domaine médical ;
  • la meilleure compréhension de la variabilité de la réponse individuelle à une exposition aux rayonnements ionisants ;
  • l’étude des mécanismes mis en jeu lors d’une exposition chronique aux faibles doses de rayonnements ionisants ;
  • l’amélioration des capacités d’anticipation et de résilience en situations de crise d’origine nucléaire ou radiologique et de gestion post-accidentelle.

Une attention particulière sera portée à l’implication des parties prenantes (autorités, société civile, praticiens de la radioprotection, experts…) dans la définition des thématiques scientifiques qui feront l’objet des appels d’offres. Ce partenariat vise aussi à établir des ponts avec les activités de recherche menées au niveau européen dans le domaine « hors-EURATOM » notamment celles conduites dans le domaine de la santé.

La réunion de lancement de PIANOFORTE s’est tenue les 14 et 15 juin 2022. Elle a rassemblé une centaine de participants : une large participation traduisant l’ambition de ce programme. Cette rencontre a permis aux partenaires de commencer à travailler sur la méthodologie en vue de hiérarchiser par priorité les thèmes de recherche qui donneront lieu aux appels à projets, dont le premier doit être publié en avril 2023.

MEDIRAD : DES RECOMMANDATIONS POUR UNE MEILLEURE RADIOPROTECTION

Lancé en 2017 et pour cinq ans, le projet européen MEDIRAD a abouti à l’élaboration de recommandations, afin d’optimiser l’utilisation de rayonnements ionisants dans le domaine médical et d’améliorer la radioprotection des patients et des professionnels de santé.

Financé dans le cadre du programme de recherche H2020 EURATOM et coordonné par ISC Global (Espagne) et l’Université Paris Descartes, le projet MEDIRAD a réuni 33 partenaires de 14 États membres européens.

Il avait vocation à rapprocher les communautés scientifiques et médicales dans le domaine de la recherche pour la radioprotection médicale et visait à optimiser l’utilisation des rayonnements ionisants en radiothérapie, médecine nucléaire, imagerie médicale et radiologie interventionnelle. Ce projet avait également pour ambition de promouvoir les liens entre science, médecine et société, pour une meilleure qualité de vie des patients et une meilleure protection des professionnels de santé.

Contributeur majeur dans ce projet, l’IRSN a participé aux travaux de MEDIRAD dans trois secteurs d’application des rayonnements ionisants en médecine :

  • en radiothérapie, où les travaux se sont focalisés sur l’évaluation des risques de toxicité cardiaque associés aux radiothérapies des cancers du sein et à l’optimisation des pratiques ;
  • en radiologie interventionnelle, et plus particulièrement la radioprotection des professionnels de santé et l’optimisation des pratiques ;
  • en imagerie médicale, avec l’évaluation du risque de cancer associé à la scanographie pédiatrique.

Sur la base des résultats scientifiques produits, l’IRSN a coordonné l’élaboration de recommandations en matière de radioprotection avec l’appui des parties prenantes : associations de patients, associations de professionnels de santé, autorités compétentes en radioprotection et industriels dans le secteur médical. Ces recommandations sont regroupées en quatre axes : la consolidation des bases de données « patient » au niveau européen ; l’optimisation des protocoles à visée diagnostique ou thérapeutique mettant en jeu l’irradiation ; l’optimisation pour la radioprotection des patients et du personnel médical ; les pistes de recherche européenne pour la radioprotection médicale.
Pour en savoir plus

Brève

PROPHYLAXIE DE L’IODE STABLE ET PROTECTION DE LA POPULATION

Dans le cadre du projet de recherche PRIODAC, initialement soutenu dans le cadre du programme RSNR et destiné à déterminer de nouvelles modalités d’administration d’iode stable (KI-65 mg) pour mieux protéger la population en cas de rejets répétés d’iode radioactif, une demande d’extension de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une prise répétée chez la catégorie des femmes enceintes a été déposée en octobre 2022 par la Pharmacie centrale des armées. Piloté par l’IRSN, ce projet a déjà abouti à une première modification de l’AMM pour une prise répétée jusqu’à 7 jours consécutifs pour les personnes de plus de 12 ans.

RECHERCHE EN ENVIRONNEMENT

En 2022, les projets relatifs à l’impact sur le milieu marin et les écosystèmes terrestres d’une contamination de l’environnement à la suite d’un accident nucléaire, à l’écotoxicologie des radionucléides et à la gestion des déchets radioactifs étaient au cœur de la recherche menée par l’IRSN dans le domaine de l’environnement.

STOCKAGE GÉOLOGIQUE DE DÉCHETS : L’IRSN LANCE L’EXPÉRIMENTATION VSEAL

Dans le cadre de l’expertise qu’il mène au titre de ses missions sur le projet CIGÉO de stockage géologique de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA-MAVL), l’IRSN conduit des activités de recherche notamment en matière de tenue dans le temps des scellements. L’objectif de ces recherches est de permettre aux équipes de l’IRSN d’évaluer, dans le cadre de l’expertise des dossiers de sûreté établis par l’Andra, l’aptitude des techniques de scellement retenues à assurer une fonction majeure de confinement de ce type de déchets sur une très longue durée.

En 2022, l’Institut a engagé le projet VSEAL, mené dans son laboratoire de recherche souterrain de Tournemire (Aveyron). Celui-ci vise à observer, sur une quinzaine d’années, les effets de l’eau de ruissellement et de l’hydrogène qui serait produit par les déchets stockés sur le maintien, dans le temps, de l’étanchéité d’un scellement. Celui-ci utilise une variété d’argile qui possède d’importantes propriétés de gonflement, la bentonite, matériau retenu pour sceller l’installation CIGÉO à l’issue de sa période d’exploitation.

VSEAL illustre la capacité de l’IRSN à traduire des questionnements scientifiques et techniques, en programme de recherche intégrant des essais technologiques, dans la perspective des futures expertises à mener.

CLÔTURE DU PROJET AMORAD : LES PRINCIPAUX ACQUIS

Améliorer les modèles permettant d’évaluer la dispersion de radionucléides dans l’environnement et leur impact sur le milieu marin et les écosystèmes terrestres à la suite d’un accident tel que celui de Fukushima-Daiichi, tel était l’objectif du projet AMORAD, lancé en France en 2013 dans le cadre du programme de Recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection (PIA RSNR). Outre plusieurs partenaires nationaux (Andra, BRGM, CNRS, EDF, Ifremer, LSCE, universités de Bordeaux, Pau, Toulon, Toulouse et Versailles), le projet associait l’université japonaise de Tsukuba.

Deux axes de recherche ont été retenus au titre du projet. Le premier s’intéressait à la dispersion marine et côtière des particules sédimentaires et des radionucléides dissous, à leur transfert aux chaînes trophiques ainsi qu’au développement d’approches permettant d’évaluer une vulnérabilité environnementale et économique des zones côtières face à un rejet. Le deuxième a porté sur le devenir de la contamination dans les milieux terrestres, avec une attention particulière portée au système sol-arbre-forêt et au transfert des radionucléides depuis les sols d’un bassin-versant jusqu’à la mer.

Une extension du projet, dénommée AMORAD II, a été engagée en 2019 avec deux objectifs. Il s’agissait tout d’abord d’acquérir des données complémentaires à Fukushima et sur des forêts françaises afin de progresser sur un modèle de transfert sol-arbre. Le second objectif était de développer une approche multi-modèles d’évaluation des coûts associés à la perte de ressources économiques à la suite d’un accident nucléaire. Le séminaire de clôture qui a réuni en 2022 les 13 partenaires a permis d’en dresser un bilan et de dégager quelques grands acquis.

Concernant la simulation de la dispersion des radionucléides dans l’environnement terrestre et marin ainsi que de l’évaluation des concentrations associées, AMORAD a permis d’affiner les modèles existants ou d’en créer de nouveaux. Pour ne citer que quelques exemples : simulation plus réaliste des dépôts en delta ou estuaire, intégration de l’effet des processus de dépôt et remise en suspension sur le moyen terme dans les modèles de transport sédimentaire en zone côtière, création d’un système expert permettant de remonter à l’origine possible d’un rejet en cas d’observations d’activités en radionucléides anormales dans une zone, développement d’un modèle d’évaluation des flux de radionucléides pouvant être lessivés depuis un bassin-versant vers une rivière après des retombées atmosphériques, etc.

Concernant l’évaluation des coûts d’un accident, autre grand volet du projet, AMORAD a permis par exemple de créer deux modules d’évaluation, en cas de rejets et/ou de retombées post-accidentels, des pertes économiques engendrées sur les filières du bois et de la pêche en mer. Les résultats obtenus mettent en lumière pour la première fois l’ampleur des préjudices économiques qui pourraient être associés notamment aux pertes des services écosystémiques (chasse, cueillette, eau potable) en cas d’accident, et qu’il s’agira désormais de mieux apprécier.

Certains résultats d’AMORAD seront utilisables pour des recommandations aux pouvoirs publics en matière de doctrine de gestion post-accidentelle d’un accident nucléaire.

CONTAMINATION RADIOACTIVE DE L’ENVIRONNEMENT : QUELS EFFETS À LONG TERME SUR LA BIODIVERSITÉ ?

La contamination de l’environnement par des substances radioactives et les risques associés pour la biodiversité font l’objet d’un vaste débat sociétal et scientifique. De nombreuses inconnues contribuent à des controverses sur les effets écologiques de ce type de contamination, freinant par ailleurs la mise en place de critères de protection de l’environnement. Dans ce contexte, une des missions de l’IRSN, en sa qualité d’expert public en matière de recherche et d’expertise sur les risques nucléaires et radiologiques, est d’apporter des éléments scientifiques étayés à ce débat. C’est pourquoi, en juin et juillet 2022, le Laboratoire de recherche sur les effets des radionucléides sur les écosystèmes (LECO) a conduit, dans la préfecture de Fukushima, des travaux de recherche sur le terrain et en laboratoire, en partenariat avec l’Institut de la radioactivité environnementale (Institute of environmental radioactivity, IER) de l’université de Fukushima.

Un premier projet porté par l’IRSN, intitulé KERO, a pour objectif de comprendre et de mesurer les conséquences à long terme de la contamination radioactive de l’environnement sur la faune, à travers une espèce sentinelle, la rainette Dryophytes japonicus. Ce projet, financé par l’IRSN et également au travers d’autres programmes de financement (NEEDS, ECCOREV, EC2CO, ERAN Japon, etc.), réunit plusieurs instituts et universités (Aix-Marseille, Fukushima, Hiroshima, Lyon 1, Paris-Saclay). Ce projet aborde plusieurs questions : quels sont les impacts de la radio-contamination sur ces grenouilles (physiologie, comportement, etc.) ? Comment ces effets individuels peuvent-ils entraîner des répercussions à l’échelle des populations ? Comment ces populations évoluent-elles dans ces régions ? Peuvent-elles s’adapter ? De telles questions évolutives sont encore peu traitées par la communauté scientifique en dépit d’attentes fortes de la part des experts dans le domaine de la réglementation environnementale comme du grand public. En effet, plusieurs années après les accidents nucléaires de Tchernobyl et de Fukushima, une question revient souvent : comment « se porte » la faune ? Comment évoluent les espèces dans ces territoires radio-contaminés ?

Un deuxième projet, nommé BEERAD, s’intéresse, lui, à l’abeille domestique, Apis mellifera, et regroupe plusieurs enjeux scientifiques, qu’ils soient écologiques, économiques ou sociétaux, étant donné les services rendus à l’espèce humaine et aux écosystèmes, notamment au travers de son rôle dans la pollinisation des plantes à fleurs. Projet financé par l’ANR ainsi que par d’autres programmes (ECCOREV, ERAN), BEERAD réunit, autour de l’IRSN qui le pilote, le centre INRAE d’Avignon ainsi que l’IER. L’objectif de ce projet est, par une approche pluridisciplinaire, d’approfondir la connaissance des effets et des mécanismes d’action des rayonnements ionisants sur la physiologie et les populations d’abeilles domestiques dans le cadre d’une exposition chronique (exposition d’une durée significative par rapport à la durée de vie des organismes exposés) à de faibles débits de dose. Des expériences sont réalisées d’une part, en laboratoire, en utilisant les plateformes d’irradiation Micado-Lab et MIRE de l’IRSN, et d’autre part sur le terrain, par l’installation de ruches dans la préfecture de Fukushima qui seront suivies pendant deux saisons apicoles.

KERO et BEERAD sont deux projets de recherche originaux et novateurs. Ils permettront d’acquérir de nouvelles connaissances contribuant à réduire les incertitudes actuelles en matière d’évaluation des risques écologiques et à évaluer la robustesse des critères de radioprotection de l’environnement pour garantir le bon état écologique des écosystèmes.

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Elisabeth Salat,
adjointe de la cheffe du service des déchets radioactifs et des transferts dans la géosphère (SEDRE)

GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS : L’IRSN, HÔTE DE LA RÉUNION ANNUELLE DU PROGRAMME EUROPÉEN EURAD

La gestion des déchets radioactifs est un des domaines dans lesquels l’IRSN poursuit des coopérations sur le plan international, notamment dans le cadre du programme de recherche commun européen EURAD. Elisabeth Salat, adjointe de la cheffe du service des déchets radioactifs et des transferts dans la géosphère (SEDRE) de l’Institut, revient sur les objectifs du programme et les temps forts de la réunion annuelle, accueillie par l’IRSN du 28 au 30 mars 2022 à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).

En quoi consiste le programme européen EURAD ?
C’est un programme de recherche commun, d’environ 60 M€, lancé en 2019 par la Commission européenne pour une durée de cinq ans et financé par celle-ci à hauteur de 50 %. Ce programme a pour bénéficiaires 51 organismes – dont l’IRSN et l’Andra, coordinateur du projet – issus de 23 pays d’Europe, désireux d’approfondir leur coopération en matière de recherche relative à la gestion, et en particulier au stockage, des déchets radioactifs. EURAD repose pour cela sur la mise en œuvre d’un programme durable de recherche et développement ainsi que de capitalisation et de transfert des connaissances déjà acquises. Il vise également à favoriser la compréhension mutuelle et la confiance entre, d’une part, les partenaires scientifiques et techniques, et d’autre part, les acteurs de la société civile.

Qui en sont les principaux partenaires ?
On peut les regrouper en trois grandes catégories : tout d’abord les organismes gestionnaires des déchets radioactifs, comme l’Andra en France, chargés de mettre en œuvre des solutions pour le stockage des déchets radioactifs. Il y a ensuite les organismes d’expertise technique, comme l’IRSN, qui mènent des activités de recherche en vue de renforcer le socle scientifique et technique de leurs missions d’expertise en appui aux décisions prises par les pouvoirs publics. Et puis il y a les organismes de recherche et des universités travaillant à des degrés divers sur les défis de la gestion des déchets radioactifs.

Quelles sont les principales conclusions de la réunion annuelle qui s’est tenue à l’IRSN ?
Je voudrais souligner que cette réunion, organisée en collaboration avec l’Andra, aura été la première occasion pour l’ensemble des partenaires du programme de se retrouver dans un même lieu, après la crise sanitaire. La thématique principale de cet événement était la gestion des connaissances : comment capitaliser les connaissances dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs, les partager et identifier les domaines dans lesquels il conviendrait de les approfondir ? Des thématiques telles que l’utilisation de « jumeaux numériques » qui centraliseraient les résultats de différents projets de recherche ont notamment émergé des discussions. Ce sujet sera d’ailleurs approfondi en vue d’être intégré dans de futurs programmes de recherche.