« L’IRSN s’attache à mener ses activités dans le domaine de la radioprotection, en entretenant une grande synergie entre la recherche, l’expertise et la réponse aux situations d’urgence. Cette synergie est une exigence pour une réponse de qualité aux sollicitations, qu’elles émanent des pouvoirs publics ou de la société. Ainsi, l’Institut effectue des travaux de recherche visant à mieux comprendre les mécanismes et les conséquences, pour les personnes et pour l’environnement, de l’exposition aux rayonnements ionisants, avec la volonté de coordonner l’effort de recherche entre les différents acteurs européens : le lancement de l’appel d’offres du projet PIANOFORTE en est une illustration pour l’année 2023. Cette recherche a pour ambition de servir efficacement notre capacité d’expertise, que ce soit pour nos activités récurrentes comme la publication du bilan des niveaux de référence diagnostiques (NRD), du suivi des travailleurs ou de la surveillance de la Polynésie française, mais aussi pour les différents avis rendus aux autorités ou aux pouvoirs publics. En parallèle, l’IRSN poursuit ses investissements destinés à améliorer constamment sa capacité de réponse à une situation d’urgence radiologique ou nucléaire : en témoigne l’inauguration en 2023 du laboratoire LATAC, infrastructure innovante permettant de réaliser, en urgence, un grand nombre de mesures d’échantillons contaminés.
Enfin, l’Institut est très attentif à l’implication des parties prenantes et du public, que ce soit au travers des sciences participatives comme OpenRadiation, des dialogues techniques engagés avec les Cli et l’Anccli sur des dossiers d’importance ou encore des réflexions menées par son comité ODISCÉ sur l’ouverture à la société dans le domaine médical.
La reconnaissance de cette exigence se traduit notamment par la nomination, renouvelée de l’Institut comme Centre collaborateur pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et comme Capacity Building Centre (CBC) pour l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). »
Jean-Christophe Gariel
Directeur général adjoint en charge
du pôle santé-environnement
Parmi les missions de l’IRSN, la surveillance des travailleurs fait l’objet d’un bilan annuel, essentiellement réalisé avec les données du registre national SISERI, dont l’IRSN assure la gestion.
L’IRSN a publié en septembre 2023 son bilan de la surveillance des travailleurs exposés en 2022 aux rayonnements ionisants. Le rapport présente les résultats de la surveillance de l’exposition externe et interne des travailleurs des domaines médical, dentaire et vétérinaire, de l’industrie nucléaire et non nucléaire, de la recherche et des personnels navigants des compagnies aériennes.
Parmi les principaux constats, la baisse de près de 2 % du nombre de travailleurs surveillés en 2022 par rapport à 2021 est essentiellement liée à celle du nombre de travailleurs suivis dans le domaine médical. Par ailleurs, la dose individuelle moyenne (0,90 mSv), en hausse de 6 % par rapport à 2021, concerne presque tous les domaines tout en restant inférieure à celle des années précédant la crise sanitaire. Elle est principalement due à la reprise du trafic aérien.
Deux focus complètent ces données : l’un sur la différence d’exposition entre travailleurs féminins et masculins, essentiellement dans les domaines de l’industrie nucléaire et non nucléaire.
Le second focus concerne l’exposition des intervenants lors de l’exploitation des réacteurs nucléaires : les intervenants extérieurs sont globalement plus exposés que ceux d’EDF, du fait du recours, pour certaines activités, à des métiers dont EDF n’est pas doté (échafaudeur, calorifugeur, ou soudeur).
Mis en service fin juin, le nouveau portail SISERI est le fruit de trois années de collaboration entre l’IRSN et la Direction générale du travail.
Il s’agissait de simplifier la centralisation et l’exploitation des mesures. Le nouveau portail met en œuvre des interopérabilités avec les plateformes de l’État pour vérifier les informations saisies. Ainsi les équipes en charge de son exploitation peuvent consacrer plus de temps à l’analyse des données et à la conduite d’actions visant à compléter les données de référence.
Depuis 2003, l’IRSN mène de nombreuses actions avec les Cli (Commissions locales d’information), afin d’accompagner leur montée en compétences, sur des sujets liés à la sûreté nucléaire, à la surveillance radiologique de l’environnement ou aux impacts sanitaires des rayonnements ionisants.
Ainsi, à l’invitation de la Cli ECRIN Malvési, l’Institut a pu présenter au public l’étude radiologique du site (ERS) Orano de Malvési, et en particulier son volet « Enquête modes de vie ».
Au cours de cette réunion, les objectifs scientifiques de participation des acteurs locaux et l’état d’avancement des différentes études ont pu être présentés. À cet égard, l’enquête « mode de vie des riverains » a été largement abordée avec un appel direct au volontariat et au relais d’information sur la constitution en cours de l’annuaire des foyers volontaires.
L’IRSN a publié en juin 2023 son 7e bilan relatif aux niveaux de référence diagnostiques (NRD), réalisé sur les données de la période 2019-2021, comparées aux valeurs de NRD en vigueur afin d’examiner la nécessité d’une mise à jour.
S’appuyant sur des données transmises par les établissements de radiologie et de médecine nucléaire lors de la réalisation d’examens diagnostiques, l’IRSN procède périodiquement à leur analyse en vue d’une éventuelle mise à jour des valeurs des NRD. Les NRD constituent des « valeurs repères » visant à guider les praticiens dans l’optimisation de l’exposition induite par les examens radiologiques ou de médecine nucléaire. Ils tiennent compte notamment de l’évolution technologique des appareils utilisés ainsi que des pratiques des professionnels de santé.
Le dernier bilan publié par l’Institut montre une stabilisation de la participation des établissements : autour de 50 % pour la radiologie conventionnelle et 90 % pour la scanographie et la médecine nucléaire. L’analyse des données recueillies montre chez l’adulte des résultats inférieurs aux valeurs des NRD en vigueur dans tous les domaines.
Ce bilan s’assortit de recommandations qui portent notamment sur la nécessité de réviser des valeurs de NRD dans tous les domaines, en priorisant la scanographie. Il recommande aussi la création de valeurs, par exemple pour la tomosynthèse mammaire ou la tomographie volumique à faisceau conique ou CBCT (cone beam computed tomography) en radiologie dentaire, ainsi que la suppression des niveaux de référence pour certains examens devenus peu fréquents, tels que la scintigraphie rénale
au DTPA.
Ce bilan a été présenté par les experts de l’Institut aux Journées scientifiques de la Société française de physique médicale (SFPM) du 7 au 9 juin 2023 ainsi qu’aux Journées francophones de radiologie diagnostique et interventionnelle du 13 au 16 octobre 2023 à Paris.
Lors de sa séance du 21 juin 2023, le comité ODISCÉ a adopté son deuxième avis relatif à l’ouverture à la société des travaux de l’IRSN dans le domaine médical.
C’est une instance novatrice que l’IRSN a créée en 2022 pour l’accompagner dans le développement de sa politique d’ouverture à la société. Le comité ODISCÉ (Ouverture et impulsion du dialogue avec la société civile sur l’expertise) est composé d’une vingtaine de membres aux profils variés. Prévue dans le contrat d’objectifs et de performance de l’Institut, cette instance a pour mission de le conseiller afin de favoriser de nouvelles interactions sciences-société sur l’expertise des risques nucléaires et radiologiques et d’élargir les publics impliqués.
Ce deuxième avis propose à l’IRSN d’être acteur d’une compréhension partagée des enjeux. Il appelle également au renforcement du dialogue et du travail participatif entre tous les acteurs de la radioprotection médicale. Il s’articule autour de quatre grandes recommandations visant à :
Le LATAC a été inauguré le 21 septembre 2023 sur le site IRSN du Vésinet.
Avec cette nouvelle plateforme d’analyse des échantillons prélevés dans l’environnement, l’Institut renforce son rôle de référent en matière de surveillance environnementale au service des pouvoirs publics.
Située au Vésinet, site historique de la surveillance radiologique de l’environnement menée en France depuis plus de 60 ans, cette installation de 600 m2 a été conçue autour des opérations successives réalisées, depuis la prise en charge des échantillons environnementaux jusqu’à leur analyse. Elle met en œuvre l’ensemble des techniques de préparation, de radiochimie et de métrologie les plus innovantes afin de caractériser aussi finement que possible les radionucléides recherchés. L’analyse par spectrométrie de masse, couplée avec la chromatographie, permet par exemple, à partir d’un échantillon, d’obtenir dans des délais très courts de nombreux résultats de mesure d’émetteurs alpha, tels que l’uranium et le plutonium.
Grâce à ce nouveau plateau technique doté de plus de 45 équipements de haute technologie, l’IRSN a la capacité d’analyser en une journée jusqu’à 150 échantillons de tous types. Cette capacité élevée, au regard de celles des laboratoires spécialisés dans ce domaine, lui confère une réactivité accrue face aux demandes qui lui seront adressées, y compris en situation d’urgence.
La nouvelle plateforme accueille également des travaux internationaux de R&D, comme une thèse commune avec le NUS/SNRSI, partenaire singapourien de l’IRSN.
Ses capacités techniques permettront également de poursuivre le développement de nouvelles méthodes de détection et de mesure des radionucléides, dans des domaines aussi variés que la compréhension des transferts de radioactivité au sein des écosystèmes, la mesure des matériaux des centrales en démantèlement ou l’analyse de denrées alimentaires.
L’IRSN a publié en décembre 2023 le bilan de sa surveillance radiologique de l’environnement en Polynésie française pour les années 2021-2022.
La surveillance radiologique régulière de la Polynésie française concerne sept îles (cinq îles hautes et deux atolls), réparties dans les cinq archipels du territoire. Elle a été complétée en 2021-2022 par des prélèvements et des mesures radiologiques environnementales sur trois îles hautes supplémentaires, Moorea (archipel de la Société), Rapa et Raivavae (archipel des Australes), ainsi que sur six atolls, Pukarua, Reao, Vahitahi, Vairaatea, Nukutavake-Pinaki et Hikueru, situés dans l’archipel des Tuamotu.
Cette nouvelle campagne de mesures confirme que les niveaux de radioactivité décelables dans l’environnement polynésien sont dans la continuité de ceux des années antérieures ; ils se situent à un niveau très bas.
L’exposition de la population polynésienne aux rayonnements ionisants est quasi exclusivement d’origine naturelle. Le rayonnement cosmique et les radionucléides d’origine naturelle présents dans les sols et dans les denrées contribuent ainsi, hors exposition médicale, à plus de 99 % de l’exposition de la population.
En 2021-2022, la dose efficace totale, comprenant l’exposition externe, l’exposition interne par ingestion et l’inhalation, est de l’ordre de 1,4 mSv pour les adultes de Polynésie française. L’exposition due à la radioactivité artificielle représente une très faible part de celle-ci, de l’ordre de 0,1 %.
Science participative
La communauté OpenRadiation s’est réunie le 2 février 2023 :
une journée d’échanges pour découvrir les expériences d’autres communautés s’intéressant à différents sujets en lien avec l’environnement (qualité de l’air, botanique…) et approfondir certains sujets, comme le montage de capteurs OpenRadiation ou la mesure de la radioactivité par le public.
Projet de sciences participatives open source et open data pour la mesure de la radioactivité dans l’environnement, OpenRadiation réunit une communauté
de citoyens désireux de participer aux mesures et contribuer à caractériser l’environnement.
L’IRSN a participé aux 7es Rencontres européennes de la participation, organisées à Rouen du 26 au 28 juin 2023, sur la thématique de « La participation au cœur des défis des territoires ».
L’Institut est notamment intervenu dans un podcast sur la participation citoyenne à la gestion des risques. Il a également animé un atelier participatif sur la mesure citoyenne en vue de la co-évaluation des risques radiologiques, regroupant une trentaine de personnes à qui des capteurs OpenRadiation étaient prêtés pour qu’elles puissent mesurer la radioactivité ambiante.
L’expertise de ce projet phare a débuté en 2023 et mobilisera l’IRSN pendant plusieurs années : il concerne le stockage en couche géologique argileuse profonde de déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue.
L’IRSN a reçu, le 16 janvier 2023, le dossier de demande d’autorisation de création (DAC) de Cigéo, déposé par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Situé à la limite de la Meuse et de la Haute-Marne, Cigéo est le projet français de stockage géologique pour les déchets de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MAVL).
Son inventaire « de référence » prévoit environ 83 000 m3 de déchets radioactifs, déjà produits et à produire jusqu’à la fin de l’exploitation des installations nucléaires françaises ayant obtenu leur autorisation de création avant 2016. Afin d’étudier l’impact de la politique énergétique française, l’Andra a intégré des études d’adaptabilité de son projet de stockage pour un inventaire dit « de réserve ».
Saisi par l’Autorité de sûreté nucléaire, l’IRSN mobilisera ses équipes pour l’expertise de ce dossier pendant deux ans et demi, le processus global d’instruction et de consultations publiques étant estimé à environ cinq ans. L’Institut s’appuiera en particulier sur les recherches qu’il mène depuis plusieurs années. Ces recherches, en particulier celles conduites dans son laboratoire souterrain de Tournemire, ont pour objectif d’anticiper l’expertise des enjeux de sûreté de ce projet.
Dans sa démarche de dialogue avec la société, l’IRSN a organisé, avec l’Anccli et le Clis du laboratoire de Bure, plusieurs temps d’échanges : journée de préparation (27 janvier) ; lancement (18 avril) ; rencontre plénière (23 juin) au sujet de la géologie, des inventaires des déchets et de la phase industrielle pilote ; réunions spécifiques sur l’emprise du stockage (15 septembre), colis de déchets (13 octobre), co-construction d’un scénario (20 octobre) ; rencontre plénière consacrée aux risques et agressions, à la récupérabilité des colis et à la phase industrielle pilote (15 novembre). Le dialogue technique sera poursuivi tout au long de l’évaluation scientifique et technique du dossier.
Financé par BPI France, le projet PALLAS réunit l’IRSN, les universités Savoie Mont-Blanc et Gustave Eiffel, ainsi que SOCOTEC Monitoring, AUGLANS et NAGA Geophysics. Il vise à développer une plateforme expérimentale pluridisciplinaire au service des recherches liées à la surveillance à distance de colis de déchets radioactifs. Ainsi, le laboratoire de recherche de Tournemire accueillera des expérimentations à grande échelle en atelier ainsi que dans une galerie in situ en conditions représentatives d’un stockage de déchets.
Surveillance des stockages géologiques
Dans le cadre du programme commun européen EURAD (projet MODATS), l’IRSN a organisé en 2023 à Nancy puis à Paris, deux ateliers d’échanges avec la société civile autour de la problématique complexe de la surveillance des stockages géologiques de déchets
HA-MAVL.
Provenant de 11 pays européens, les participants ont pu dialoguer autour de trois questions : la perception relative qu’ont les acteurs de ce sujet et de ses enjeux décisionnels ; la valeur ajoutée pour la sûreté d’une interprétation pluraliste des données de surveillance ; les principales attentes sociétales en matière de surveillance.