GUERRE EN UKRAINE

LA MOBILISATION DE L’INSTITUT AU SERVICE DES POUVOIRS PUBLICS ET DES CITOYENS

Le 24 février 2022, les troupes russes envahissent l’Ukraine sur quatre fronts. Elles prennent le contrôle du site de Tchernobyl où sont entreposés notamment 20 000 assemblages de combustible usé. Dès le lendemain, l’IRSN mobilise son organisation de crise. Il active son Centre technique de crise (CTC) à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) afin d’assurer ses missions d’appui technique et scientifique auprès des services de l’État et des instances internationales : suivre au quotidien les niveaux de radioactivité sur le territoire ukrainien et européen, évaluer la sûreté des installations nucléaires ukrainiennes, anticiper les situations accidentelles possibles et leurs conséquences potentielles pour les populations et l’environnement, en Ukraine, en Europe et en France. L’IRSN se mobilise également pour répondre aux sollicitations et questionnements des médias et de la société civile. Ses équipes produisent des notes d’information et des documents pédagogiques sur la situation des installations nucléaires en Ukraine afin de contribuer à une compréhension des risques.

Mais la guerre se prolonge. À diverses périodes, des installations nucléaires ukrainiennes sont la cible de tirs d’artillerie. La situation suscite des inquiétudes. Jamais jusqu’alors un pays nucléarisé n’avait été le théâtre d’un conflit armé de cette ampleur[1]. Jamais des centrales nucléaires n’avaient été utilisées comme des cibles militaires, alors qu’elles n’ont pas été conçues pour résister à un acte de guerre. Jamais un risque d’accident radiologique grave n’avait menacé l’Europe dans la durée.

Face à cette situation inédite, évolutive et souvent préoccupante, les équipiers de crise de l’IRSN, appuyés par différents services experts de l’Institut, restent mobilisés. Pendant 10 mois ils adaptent leur organisation, leur mobilisation et leur implication en fonction de l’évolution des événements, des sollicitations et des enjeux. Cette gestion de crise, différente de celle de Fukushima-Daiichi au Japon en 2011, conduit l’Institut à ajuster les méthodes de travail de son centre de crise. En interne, elle implique de nombreux collaborateurs, développe le travail collaboratif et les synergies des équipes pluridisciplinaires. En externe, elle conforte l’importance du rôle de l’IRSN en tant qu’expert technique et appui aux pouvoirs publics dans l’écosystème d’une gestion de crise internationale.

Au 31 décembre 2022, aucune des attaques dirigées contre les installations nucléaires ukrainiennes ou des infrastructures électriques n’a provoqué de dommages sur des zones critiques, ni d’épisode de rejet radioactif. Aucune élévation anormale de la radioactivité n’a été détectée par les réseaux de surveillance, ni en Ukraine, ni dans les pays limitrophes. Néanmoins des risques majeurs persistent. Aussi, l’Institut reste mobilisé en veille active. Il continuera à soutenir les démarches engagées pour préserver la sûreté nucléaire par les organismes de sûreté, au niveau européen et international, au premier rang desquels l’AIEA et son directeur général Rafael Grossi.

[1] La guerre d’indépendance de la Slovénie avait conduit, par précaution, à l’arrêt temporaire de la centrale de Krško en 1991.


L’UKRAINE, UN PAYS FORTEMENT NUCLÉARISÉ

7e producteur mondial d’électricité nucléaire, l’Ukraine compte, sur un territoire un peu plus vaste que la France, quinze réacteurs VVER à eau sous pression de conception russe, répartis sur quatre sites de production en activité le 24 février. S’ajoutent à ces centrales de production :

  • deux réacteurs de recherche ;
  • six sites d’entreposage et de stockage de sources radioactives et de déchets ;
  • quatre réacteurs RBMK du site de Tchernobyl, à l’arrêt depuis l’année 2 000 : trois en démantèlement, un sous sarcophage (réacteur accidenté) ;
  • diverses installations nécessaires à la gestion du site accidenté de Tchernobyl, notamment une piscine d’entreposage de 20 000 assemblages de combustible usé et un parc d’entreposage à sec de 2 000 assemblages usés.

DES CENTRALES ROBUSTES ET RÉSILIENTES

De conception différente de ceux de Tchernobyl, les réacteurs des quatre centrales de production ukrainiennes répondent aux standards internationaux de sûreté nucléaire. Chacun a été équipé dès l’origine :

  • d’une enceinte de confinement en béton précontraint (sauf pour deux réacteurs de Rivne[2]) qui abrite également la piscine de désactivation du combustible usé ;
  • de trois groupes électrogènes de secours indépendants, disposant d’une autonomie de carburant de sept jours. Un seul groupe électrogène associé à un ensemble de systèmes de sûreté est capable d’assurer le refroidissement des combustibles d’un réacteur et de sa piscine.

En outre, l’Ukraine a renforcé la sûreté de ses centrales à la suite de tests de résistance (stress tests) européens réalisés après l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi. Chaque centrale dispose notamment d‘équipements mobiles de secours, permettant de faire face à la défaillance totale des alimentations électriques internes et externes (pompes thermiques mobiles d’injection d’eau, groupes électrogènes mobiles, avec une autonomie de carburant de trois jours).

Le pays a également initié le déploiement d’un dispositif d’éventage-filtration sur ses réacteurs, qui limite, en cas d’accident grave, le rejet des éléments radioactifs en suspension dans l’enceinte de confinement. D’autres dispositions, telles que des recombineurs d’hydrogène, ont été installées pour limiter le risque de perte d’intégrité de l’enceinte de confinement.


[2] La centrale de Rivne comprend deux réacteurs de 440 MWe, plus anciens que les autres réacteurs VVER implantés sur le territoire ukrainien.

UNE LONGUE TRADITION DE COOPÉRATIONS ENTRE L’IRSN ET L’UKRAINE

La sûreté des centrales nucléaires ukrainiennes, toutes exploitées par la compagnie nationale de production d’énergie nucléaire d’Ukraine Energoatom, est contrôlée par l’autorité de sûreté nucléaire SNRIU (State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine).

Après l’accident de Tchernobyl, l’IRSN a noué des relations de coopération avec SNRIU, dans le cadre du programme européen ICSN (Instrument pour la Coopération en Sûreté Nucléaire) au travers de contrats d’assistance et de transfert de compétences dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ces coopérations, notamment dans le cadre de la réalisation des stress-tests post-Fukushima et dans celui du projet européen FASNET, piloté par l’IRSN, de préparation et de réponse rapide aux urgences nucléaires au niveau international, ont permis à l’Institut d’acquérir des connaissances et des données sur les réacteurs VVER est-européens. Par ailleurs, l’Institut intègre dans ses effectifs des experts de nationalité ukrainienne.

SSTC, l’organisme technique de sûreté (TSO) de SNRIU est depuis 2010 membre associé du réseau ETSON des TSO européens créé à l’initiative de l’IRSN pour contribuer à la construction européenne en matière de sûreté.

Brève

LA SÛRETÉ DES RÉACTEURS EN SITUATION ACCIDENTELLE

Trois conditions sont indispensables pour maintenir la sûreté d’un réacteur en fonctionnement ou à l’arrêt :

  • la fourniture d’eau pour alimenter les circuits de refroidissement ;
  • la fourniture d’électricité pour alimenter les équipements de sûreté et faire tourner les pompes d’injection d’eau dans le cœur ou la piscine de désactivation du combustible usé et celles des circuits de refroidissement ;
  • des personnels d’exploitation et de maintenance formés,

DIX MOIS D’AGRESSIONS CONTRE LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES UKRAINIENNES

PHASE 1 (FÉVRIER-MARS)

DES AGRESSIONS DIVERSIFIÉES

  • 25 février : intrusion dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Prise de contrôle du site occupé durant 35 jours. Les médias relayent une augmentation de la radioactivité dans la zone d’exclusion.
  • Nuit du 26 au 27 février : agression contre un dépôt de déchets à Kiev sans rejet radioactif.
  • Nuit du 3 au 4 mars : agression et prise de contrôle de la centrale de Zaporizhzhya, la plus grande d’Europe.
  • 6 et 11 mars : bombardements sur le centre de recherche de l’Institut de physique de Kharkiv.
  • 9 mars : perte des alimentations électriques externes de toutes les installations de la centrale de Tchernobyl.
  • 11-21 mars : feux de forêt dans des parties de la zone d’exclusion de Tchernobyl entraînant une hausse de la radioactivité mesurée.

PHASE 2 (AVRIL-JUILLET)

UN ENLISEMENT DU CONFLIT

  • 26 avril : arrivée d’une mission de l’AIEA sur le sitede Tchernobyl après le retrait des troupes russes.

PHASE 3 (AOÛT-MI-OCTOBRE)

DES OFFENSIVES RÉPÉTÉES À PROXIMITÉ ET CONTRE LES CENTRALES NUCLÉAIRES

  • Août à novembre : plus de douze agressions successives (tirs d’artillerie) sur le site de Zaporizhzhya suscitant de fortes inquiétudes sur les conséquences possibles.
  • Fin août : arrivée d’une délégation d’inspecteurs de l’AIEA à Zaporizhzhya.
  • 11 septembre : mise à l’arrêt total du dernier réacteur encore en fonctionnement de la centrale de Zaporizhzhya.

PHASE 4 (MI-OCTOBRE-DÉCEMBRE)

UNE STRATÉGIE DE PILONNAGE DES INFRASTRUCTURES DE PRODUCTION ET DISTRIBUTION D’ÉNERGIE, D’ÉLECTRICITÉ, D’EAU

  • 15 novembre : perte d’une des alimentations électriques de la centrale de Rivne. Arrêt d’un réacteur. Réduction de puissance des trois autres réacteurs. Arrêt des deux réacteurs de la centrale de Khmelnytskï.
  • 23 novembre : perte du réseau électrique national. Arrêt automatique de toutes les tranches des centrales nucléaires des sites de Rivne, Khmelnytskï, South Ukraine et Zaporizhzhya.

L’IMPLICATION DE L’IRSN DANS LA GESTION DE LA CRISE UKRAINE

APPORTER UN CONSEIL SCIENTIFIQUE ET UNE ASSISTANCE OPÉRATIONNELLE AUX POUVOIRS PUBLICS

en répondant aux questions et sollicitations directes de plusieurs ministères :
Santé, Europe et Affaires étrangères, Armées, Travail, Transition écologique…

SE MOBILISER

25/02 AU 08/04 : GRÉEMENT DU CENTRE TECHNIQUE DE CRISE (CTC), RÉUNIONS QUOTIDIENNES

Directeur général, directeur de crise, chef de l’expertise de crise, cellule « Évaluation des installations », cellule « Conséquences radiologiques », cellule « Santé », cellule « International », cellule « Communication » et cellule « Support logistique » + « pool Ukraine » et Bureau d’exploitation du Centre technique de crise


IMPLIQUER LARGEMENT LES EXPERTISES INTERNES

Sollicitation de 9 services experts de l’IRSN

S’ADAPTER À UNE CRISE LONGUE

22/08 AU 31/12 : VEILLE ACTIVE

  • Réunions et bulletins de veille hebdomadaires
  • Veille sûreté
  • Veille surveillance environnementale (veille quotidienne)
  • Veille internationale
  • Veille réseaux sociaux et médias

INFORMER EN CONTINU DE FAÇON OUVERTE ET PÉDAGOGIQUE

PUBLICATION ET DIFFUSION DES RÉSULTATS D’EXPERTISE SOUS FORME DE NOTES TECHNIQUES, COMMUNIQUÉS DE PRESSE, NOTES DE VULGARISATION GRAND PUBLIC, NOTES D’INFORMATION INTERNES :

  • 3 notes « situation des installations nucléaires en Ukraine »
  • 1 note pédagogique « prise de comprimés d’iode stable en situation d’urgence »
  • 2 notes « situation sur le site de Tchernobyl »
  • 4 notes « situation de la centrale de Zaporizhzhya »
  • 1 note « impact de la détérioration du réseau électrique national ukrainien sur les centrales nucléaires »
  • Webinaires internes
  • Vidéos internes

Supports : irsn.fr, réseaux sociaux, magazine externe REPÈRES, la Lettre de l’IRSN, intranet MyIRSN, magazine interne

RÉPONSE À DES FLUX IMPORTANTS DE SOLLICITATIONS :

  • Médias
  • ONG (MSF…)
  • Associations (CLI, ANCCLI, CRIIRAD, Greenpeace)
  • Entreprises (France TV)
  • HCTISN
  • Grand public
  • Collaborateurs de l’IRSN
  • Parlementaires, élus

ÉVALUER LES RISQUES ET LES CONSÉQUENCES RADIOLOGIQUES POTENTIELLES

CONSTRUCTION D’UN RÉSEAU FORMEL ET INFORMEL DE CONTACTS INTERNATIONAUX pour faire remonter et agréger des données d’expertise fiables (salariés ukrainiens, AIEA/USIE, SNRIU, Energoatom, SSTC (TSO ukrainien), ambassades, AIEA/IEC, NNSA, NARAC)

PRODUCTION D’EXPERTISES D’ÉVALUATION ET D’ANTICIPATION « ATYPIQUES »

  • Évaluation de la sûreté des centrales ukrainiennes
  • Catalogue de fiches d’accidents types pour chaque famille d’installations nucléaires ukrainiennes
  • Scénarios enveloppes de rejets et de conséquences radiologiques
  • Études des risques

ANTICIPER LE POST-ACCIDENTEL

Évaluation des conséquences d’un accident grave en Ukraine (éventuelles restrictions de commercialisation et de consommation alimentaire)

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ANTICIPER

Le théâtre européen de la crise en Ukraine et la cinétique particulière des événements ont confronté l’IRSN à des situations inédites. Pour accroître sa réactivité et permettre à l’État d’anticiper les mesures de protection à envisager sur le territoire national en cas d’accident radiologique grave en Ukraine, l’Institut a pris l’initiative d’élargir le champ des expertises qu’il réalise habituellement en situation d’urgence. Il a travaillé, en temps réel, sur des scénarios d’anticipation d’événements graves à l’échelle du territoire ukrainien, en adaptant ses outils et ses méthodes, et en fédérant les compétences utiles.

UNE ORGANISATION DE CRISE STANDARD POUR COMMENCER

Dès l’activation du Centre technique de crise (CTC), le 25 février en milieu de journée, les cellules techniques de l’organisation de crise de l’IRSN se gréent à la demande du directeur de crise. La demande médiatique s’intensifie. Les autorités de tutelles demandent un décryptage de la situation en Ukraine et des conseils sur les actions de protection à envisager. Au sein des cellules « Évaluation des installations », « Conséquences radiologiques », « Santé », « Communication », « International » et « Support logistique », les équipes de crise de l’Institut se mettent au travail. Dans les premières heures, elles réalisent une analyse des événements permettant de produire et de diffuser une première note d’information sur « la situation des installations nucléaires en Ukraine ».

Durant les six premières semaines du conflit marquées par une situation évolutive et particulièrement préoccupante, le CTC resté gréé en heures ouvrables le plus souvent. Progressivement, un « pool Ukraine » d’une trentaine d’équipiers se constitue pour gérer la crise en continu. Il travaille avec l’appui d’unités de soutien spécialisées. Tous les matins et en tant que de besoin, le directeur de crise organise un point sur la situation, décide des travaux d’expertise à initier, des méthodes et des moyens à mobiliser. Il interagit avec les pouvoirs publics.

 

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ÉQUIPIERS COMPOSENT
LE « POOL UKRAINE »

 

 

DES FRONTS TRÈS DIVERSIFIÉS, DES PROBLÉMATIQUES INÉDITES

De fin février à mi-mars, le « pool Ukraine » est amené à focaliser ses évaluations sur des fronts très mobiles : le site de Tchernobyl situé à moins de 150 km de Kiev, la capitale de l’Ukraine, au nord ; Zaporizhzhya, la plus grande centrale d’Europe, au sud-est ; un dépôt de déchets à proximité de Kiev ; un réacteur expérimental à Kharkiv, au nord-est ; à nouveau Tchernobyl… L’équipe de crise s’adapte à la diversité des typologies d’installations nucléaires présentes sur le vaste territoire de l’Ukraine et à la multiplicité des enjeux radiologiques qui leur sont associés.

Rapidement des problématiques particulières émergent, que les équipes n’avaient pas rencontrées lors de la gestion de la précédente crise nucléaire internationale, celle de la centrale de Fukushima-Daiichi en 2011.

  • Comment collecter de l’information événementielle objective, quand le conflit militaire en Ukraine s’accompagne d’une « guerre de l’information » qui oblige à un décryptage non seulement technique mais aussi politique et stratégique des situations ?
  • Comment faire remonter et centraliser des informations techniques fiables, propres à garantir la qualité des évaluations de l’IRSN sur les conséquences radiologiques des agressions menées contre les centrales ukrainiennes ? L’IRSN n’est pas en relation directe avec les exploitants ukrainiens, comme il l’est avec EDF en France ; à Tchernobyl et Zaporizhzhya, les personnels d’exploitation ukrainiens travaillent sous la contrainte de l’armée russe.
  • Comment parvenir à caractériser les sites d’entreposage de combustible usé et les réacteurs de recherche sur lesquels l’IRSN n’a pas de données ? Le calcul des rejets radioactifs potentiels est difficile à réaliser lorsque des paramètres manquent.
  • Concernant les quatre centrales VVER ukrainiennes, les connaissances de l’IRSN sont plus fournies : leur technologie est proche de celle des centrales françaises ; les résultats de leurs stress-tests européens post-Fukushima apportent des informations utiles. Néanmoins, beaucoup d’interrogations demeurent : les opérations de maintenance ont-elles été réalisées ? Quel est l’état des dispositifs de sûreté ? Quel est l’état des groupes électrogènes de secours et leur fiabilité dans la durée ? Quel est le niveau de dégradation des conditions de travail des personnels sous contrainte ?

Ce questionnement anticipatif se poursuit tout au long de la crise. Au fil des événements, il fera émerger de nouveaux thèmes d’investigation comme la capacité des centrales et de leurs systèmes de secours à passer l’hiver ou les risques liés à la destruction des barrages du Dniepr en amont et en aval des installations…

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Emmanuel Raimond,
animateur de la cellule de crise « Évaluation des installations », chef du service de la conduite des réacteurs et des études probabilistes de sûreté

LA PERTE DES SOURCES ÉLECTRIQUES, UN SUJET SENSIBLE RAPIDEMENT POINTÉ

« Dès le 25 février, nous avons diagnostiqué, dans notre analyse de sûreté, une menace critique : le bombardement du réseau électrique ukrainien pouvait conduire à la perte d’alimentation des systèmes de sûreté des installations nucléaires. Très vite, l’IRSN a décidé de développer une expertise sur ce sujet complexe. Pendant des mois, nous avons collecté et consolidé des informations sur le réseau de production et de distribution d’électricité ukrainien, récupéré ou établi des schémas de raccordement des centrales. Pour cela, nous avons mobilisé des spécialistes de la distribution électrique et eu des échanges avec SNRIU et l’AIEA qui avait envoyé une mission sur place. Ces travaux nous ont aidés à mieux évaluer la situation et les risques à chaque épisode de perte de lignes d’alimentation. Nous avons même anticipé un incident de réseau généralisé qui conduirait à l’arrêt automatique de toutes les centrales. De fait, cette problématique est restée un fil rouge durant toute la crise. Il faut cependant souligner que, durant cette année, les énergéticiens ukrainiens ont toujours su réparer les dommages sur le réseau électrique pour maintenir la sûreté des installations. »

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Louis-Michel Guillaume,
directeur général adjoint Pôle Défense, sécurité et non-prolifération

UN APPUI À 360° AUX POUVOIRS PUBLICS

« Ce contexte inédit de crise internationale a confirmé le rôle pivot de l’IRSN dans l’appui aux pouvoirs publics nationaux et aux organismes internationaux. Cette guerre qui surgissait aux portes de l’Europe et faisait peser des menaces radiologiques graves sur le continent a conduit les acteurs de crise des administrations de l’État à sortir du référentiel national. Les ministères de la Transition écologique, de la Santé, des Affaires étrangères, des Armées, du Travail et des opérateurs de l’État nous ont sollicités en direct, en tant qu’expert public des risques nucléaires et radiologiques, pour des expertises et des appuis opérationnels qui sont allés en s’élargissant.

À l’international, nous avons eu des échanges techniques avec l’AIEA, qui a joué un rôle tout à fait central dans la diffusion aux États membres de l’ONU de l’information qu’elle centralisait et dans la gestion de cette crise dont elle a souligné à maintes reprises les enjeux pour la sûreté nucléaire. Nous avons également eu des contacts directs avec SNRIU et partagé des éléments d’expertise avec nos homologues aux USA, au Canada, en Norvège, en Finlande, en Allemagne.

Finalement, la crise en Ukraine a fait émerger au sein des ministères et des organismes internationaux un réseau d’acteurs de la crise. Elle a fédéré une nouvelle communauté nationale qui se prolonge à l’international. Comme souvent, elle a joué un rôle d’accélérateur de l’évolution des organisations. »

LA PRODUCTION D’EXPERTISES D’ANTICIPATION ATYPIQUES EN SITUATION D’URGENCE

Au fil des agressions contre les installations nucléaires ukrainiennes, des questionnements qu’elles suscitaient dans les médias et des saisines de l’État, les experts de l’IRSN ont produit de nombreux calculs de rejets et de conséquences pour les populations et l’environnement. Ces expertises s’inscrivaient dans une démarche de préparation et d’anticipation d’un événement radiologique. Elles ont donné lieu à la rédaction de notes d’information techniques diffusées aux pouvoirs publics et aux médias puis déclinées en notes de vulgarisation tous publics.

En quelques jours, le « pool Ukraine » a produit avec l’appui d’autres services de l’IRSN :

  • un catalogue de Fiches Accident Type pour chaque famille d’installations nucléaires ukrainiennes : les réacteurs de production VVER 1 000 MWe et VVER 440 MWe, les réacteurs de recherche, les sites de stockage de déchets et les piscines de désactivation du combustible usé. La cellule « Évaluation des installations » a identifié les scénarios qui pourraient se produire sur les différentes installations et les rejets dans l’environnement associés à ces scénarios. Puis la cellule « Conséquences radiologiques » a évalué les conséquences pour les populations et l’environnement pour différentes conditions météorologiques. Ces fiches fournissent un ordre de grandeur pour chaque typologie de rejet accidentel ;
  • des évaluations afin de disposer d’ordres de grandeur des rejets d’iode pour différents scénarios d’accident sur les centrales ukrainiennes et d’apprécier si les niveaux de dose justifiant l’administration d’iode stable pourraient être dépassés sur le territoire français. Ces travaux ont apporté des réponses opérationnelles aux pouvoirs publics ;
  • en novembre, l’IRSN a prolongé ses études sur le début du volet post-accidentel afin d’évaluer les éventuelles actions de limitation de la consommation et de la commercialisation de certaines denrées alimentaires qui pourraient s’avérer nécessaires au regard des réglementations en vigueur, compte tenu de l’atteinte de territoires en Europe.
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Philippe Dubiau,
directeur délégué à la crise

TOUS MOBILISÉS, TOUS IMPLIQUÉS SUR UN ENJEU TRANSVERSE

« Pour produire nos études sur l’Ukraine, nous avons sollicité deux services spécialisés du pôle sûreté nucléaire de l’IRSN. Depuis Fontenay-aux-Roses et Cadarache où ils étaient basés, des experts du Service Neutronique des risques de Criticité (SNC) et des experts du Service des Accidents Majeurs (SAM) se sont emparés du sujet. Avec des moyens de calcul plus sophistiqués que ceux du CTC qui s’appuie sur des outils simplifiés pour être réactif, ils ont développé des jeux de données représentatifs des centrales ukrainiennes pour pouvoir réaliser des calculs de rejets radioactifs à l’aide de modèles complexes qui seront extrêmement utiles en cas de rejets réels en Ukraine. Tout au long de la crise, le CTC s’est appuyé sur des expertises internes au sein de nombreux services : l’évaluation de la sécurité contre les actes de malveillance, les études en sécurité nucléaire, la sûreté des transports et des installations du cycle du combustible, la distribution électrique, la sûreté des installations nucléaires de recherche, la dispersion atmosphérique et les conséquences radiologiques, les accidents graves, la santé environnementale, des experts VVER, l’informatique, les achats… Ce réseau périphérique a apporté beaucoup de plus-values : il est venu éclairer certains sujets, en faire avancer d’autres. Il a aidé l’Institut à innover et développer de nouvelles compétences. Il a stimulé le travail collaboratif et l’esprit d’équipe. La mobilisation de compétences en dehors du « noyau dur » de l’organisation de crise qu’est le CTC est un modèle d’organisation cible sur lequel nous travaillons. Cette expérience inédite nous conforte dans la conviction que la gestion de crise est un sujet transversal. Non seulement elle mobilise de multiples compétences pluridisciplinaires, mais elle implique largement les collaborateurs de l’Institut qui s’intéressent à ce que produit leur entreprise sur cette crise pour pouvoir notamment apporter un éclairage objectif sur des événements stressants. »

SURVEILLER

La veille est au cœur de l’expertise de crise de l’IRSN. Elle repose sur un dispositif d’alerte opérationnel 24/7 qui garantit l’acquisition rapide de données après un accident afin d’évaluer les risques au plus vite et de protéger la santé des populations. Pour conserver cette efficience et cette réactivité face à des événements nombreux et diversifiés qui survenaient loin de la France, dans un contexte où il était difficile de récupérer une information fiable, l’IRSN est sorti de son cadre référentiel. L’Institut a adapté son organisation de veille et complété ses dispositifs de surveillance habituels en les déployant dans quatre domaines : les médias, l’international, la sûreté et la surveillance de l’environnement élargie à l’Europe.

DES SYSTÈMES DE VEILLE ORGANISÉS

Face à un manque de données techniques immédiatement disponibles sur la conception des installations nucléaires en Ukraine d’une part, à la difficulté d’accéder à des informations événementielles fiables sur les agressions qui se produisaient d’autre part, le besoin de mise en œuvre de quatre systèmes de veille s’impose rapidement. Pendant les six semaines d’activation du CTC, ces veilles organisées produisent des bulletins de situation quotidiens, parfois bi ou tri-quotidiens, qui permettent de faire le point et de décider d’actions lors de la réunion de crise du matin. Elles alimentent aussi le flux régulier d’informations que l’IRSN transmet aux pouvoirs publics.

Cette surveillance, allégée le 8 avril, reprend à un rythme plus soutenu le 22 août, lorsque les frappes répétées contre la centrale de Zaporizhzhya conduisent l’IRSN à réactiver son organisation de crise sous la forme d’une « veille active », ponctuée par des réunions et des bulletins de situation non plus quotidiens mais hebdomadaires.

UNE VEILLE MÉDIATIQUE

Pour être capable de détecter les signaux faibles et d’informer en temps réel les équipes techniques du CTC sur les événements qui se déroulent en Ukraine, la cellule « Communication » active, dès le 25 février, une veille des médias en France et à l’international. Prenant appui sur les outils de la Direction de la communication, cette veille repose sur :

  • une surveillance de tous les réseaux sociaux, via des #mots-clés (thèmes, sites nucléaires pouvant être attaqués…) programmés sur des moteurs de recherche. Cette surveillance intègre Telegram, l’application russe concurrente de WhatsApp très populaire en Ukraine, sur laquelle les instances ukrainiennes ont commencé à informer lorsqu’elles ont été privées d’autres moyens de communication ;
  • une veille de l’ensemble des médias conventionnels (agences, radios, TV, presse écrite) qui produit, chaque jour, une synthèse de presse IRSN « spéciale Ukraine » résumant une centaine de coupures.

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Marie Riet-Hucheloup,
directrice de la communication

LE RECOUPEMENT ET LA VÉRIFICATION DE L’INFORMATION, UNE PRÉOCCUPATION DE CHAQUE INSTANT

« La guerre de l’information à laquelle se livrent l’Ukraine et la Russie depuis le premier jour de l’agression russe est une composante extrêmement lourde de cette guerre. Elle met à l’épreuve notre capacité à analyser, recouper, vérifier l’information reçue. À côté des faits, parfois même avant les faits, il y a les commentaires, l’influence et les fake news sur les réseaux sociaux. Il est très compliqué de distinguer l’information de la désinformation. Les communicants ont passé beaucoup de temps à trier et analyser les contenus et informations dans le but de les qualifier avant de les transmettre aux experts techniques du CTC pour contribuer aux analyses. »

UNE VEILLE INTERNATIONALE

En parallèle se construit une veille internationale. Les équipes de la cellule « International » collectent les informations publiées par les partenaires historiques de l’IRSN à l’international, sur leurs sites internet respectifs : les centres de crise des opérateurs techniques (TSO) et des autorités de sûreté des pays européens ainsi que des organisations internationales comme la NNSA (National Nuclear Security Administration) et le NARAC (National Atmospheric Release Advisory Center). Elles recensent également les points marquants de l’actualité diplomatique en lien avec l’Ukraine et la Russie. Elles publient un bulletin de veille structuré autour de thématiques récurrentes qui donnent une vision de la position des différents États et des agences internationales : comment ils réagissent, comment ils se préparent, comment ils s’organisent, pourquoi ils ont décidé de rompre leurs relations avec la Russie…

UNE VEILLE EN SÛRETÉ

De leur côté, les experts de la cellule « Évaluation des installations » se mettent en quête d’informations sur la sûreté d’abord du site de Tchernobyl, puis de la centrale de Zaporizhzhya puis de l’ensemble des autres installations réparties sur le territoire ukrainien. L’enjeu est de calculer rapidement des ordres de grandeur des rejets radioactifs potentiels et les conséquences radiologiques des situations accidentelles envisageables. Il est aussi nécessaire de consolider des connaissances sur chaque réacteur permettant d’anticiper les scénarios de dégradation et de fournir très rapidement un avis sur la gravité d’une situation, lorsqu’elle survient.

Avec le support de collègues d’origine ukrainienne qui parlent la langue et connaissent bien la conception des installations, les équipes entrent en contact direct avec SNRIU et d’autres interlocuteurs locaux. Elles cherchent à obtenir des informations de première main pour s’assurer qu’elles interprètent bien les informations communiquées par Energoatom sur la situation. Elles échangent aussi sur les situations et les calculs de rejets avec leurs contacts d’organismes de sûreté étrangers : GRS et BfS en Allemagne, STUK en Finlande, SSM en Suède, le DOE aux USA. Elles ont des discussions techniques avec le Centre des Incidents et des Urgences (IEC) de l’AIEA.

LE DISPOSITIF DE SURVEILLANCE DE L’ENVIRONNEMENT EN UKRAINE ET DANS LES PAYS LIMITROPHES, UN PILIER DE LA CRÉATION DE VALEUR DE L’IRSN PENDANT LA CRISE

Le système de veille mis en place par l’IRSN croise et agrège les données de 1 100 sondes appartenant à différents réseaux de surveillance :

En Ukraine :

  • Données de la balise Téléray de l’ambassade de France à Kiev et de la balise IRSN installée à Lviv durant le déménagement de l’ambassade
  • Données du réseau national ukrainien via la plateforme européenne EURDEP
  • Données des opérateurs nucléaires ukrainiens et de l’Ecocentre (Agence publique ukrainienne de gestion de la zone d’exclusion de Tchernobyl) via la plateforme IRMIS de l’AIEA
  • Données des sites d’agrégation accessibles sur internet comme SaveEcoBot (agrégation des données de l’Ecocentre, des opérateurs nucléaires ukrainiens et du réseau hydroMet ukrainien)

Dans les pays européens limitrophes :

  • Données des réseaux de surveillance nationaux via la plateforme européenne EURDEP

Ce dispositif fournit automatiquement et en temps réel une visualisation claire de l’évolution du débit de dose sur un large territoire.

En France, la surveillance radiologique permanente du territoire est opérée par :

  • le réseau Téléray exploité par l’IRSN (440 balises sur le territoire métropolitain et outre-mer qui transmettent une mesure de débit de dose ambiant toutes les 10 minutes) ;
  • le réseau OPERA-Air de l’IRSN (50 stations de prélèvement d’air en métropole) ;
  • les réseaux de surveillance des exploitants (EDF, CEA, ORANO La Hague) : 550 balises.
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Maxime Morin,
animateur de la surveillance radiologique sur le territoire ukrainien, dans les pays limitrophes et en France, chef du service d’analyse et de métrologie de l’environnement

UNE SURVEILLANCE DE L’ENVIRONNEMENT ÉLARGIE À L’EUROPE

« La prise du site de Tchernobyl et l’élévation, constatée sur certaines balises et relayée par les agences de presse, du niveau de radioactivité au moment de l’offensive des troupes russes, ont posé la question de la surveillance de l’environnement en Ukraine dès le 1er jour de la guerre. Comment se mettre en capacité d’appréhender la situation radiologique dans un pays éloigné pour poser une expertise ? Le 24 février, l’IRSN ne peut s’appuyer que sur un unique outil, vulnérable car exposé aux tirs : les balises de mesure du débit équivalent de dose déployées par les réseaux de surveillance des différents pays, à l’instar de la balise du réseau français Téléray installée sur l’ambassade de France à Kiev. La solution : organiser une surveillance à distance. Très rapidement, nous mettons en place un dispositif nous permettant de réaliser au quotidien une analyse de la situation radiologique en Ukraine et d’informer les pouvoirs publics. Ce système collecte les données des balises des différents réseaux de surveillance ukrainiens, notamment celles transmises automatiquement au réseau européen EURDEP, et celles de la plateforme IRMIS de l’AIEA. Notre surveillance est élargie à tous les pays limitrophes de l’Ukraine avec un double objectif de back-up et d’alerte : détecter un événement radiologique que des balises ukrainiennes, inopérantes du fait de tirs ou de coupures de courant par exemple, ne permettraient pas de repérer ; le cas échéant, pouvoir informer le ministère des affaires étrangères sur les mesures de protection des ressortissants français présents en Europe de l’Est. Cette surveillance fournit une photographie instantanée de la situation radiologique en Ukraine. Nous échangeons également avec nos homologues qui assurent un suivi pour leurs autorités nationales. Dans un second temps, avec l’aide des spécialistes de la donnée environnementale de l’IRSN, nous avons optimisé l’efficacité de cette veille qui agrège une masse énorme d’informations, certaines balises émettant une mesure toutes les 10 minutes. Nous avons ainsi mis en place une base de données dédiée et des interfaces interopérables, faciles à prendre en main par les équipes de crise et celles de la télésurveillance radiologique qui assurent une astreinte 24h/24. Grâce à ce dispositif automatisé, nous sommes capables de faire une analyse et une interprétation rapide et fine de toute augmentation anormale des niveaux de radioactivité, cette dernière n’étant pas nécessairement liée à un incident sur une installation nucléaire. Elle peut être due à des événements naturels (orages, précipitations, sécheresse), ou à une défaillance de balises. »

UNE VEILLE TOURNÉE VERS L’OPÉRATIONNEL

Ces quatre veilles organisées ne servent pas uniquement à diffuser une photographie quotidienne ou hebdomadaire de l’évolution de la situation. Elles sont aussi des leviers pour l’action :

  • elles aident le directeur de crise à décider de travaux à lancer ou d’initiatives à prendre pour résoudre des problématiques ou anticiper des réponses à des questions qui émergent ;
  • elles apportent aux cellules « Évaluation de l’installation » et « Conséquences radiologiques », une somme de connaissances et de données vérifiées, qui assoient et confortent la fiabilité des expertises qu’elles réalisent.

UNE SUCCESSION D’EXPERTISES DE SÛRETÉ ET DE RADIOPROTECTION EN DIFFÉRENTS LIEUX

Après chaque événement nucléaire, les diagnostics de l’IRSN donnent un décryptage de la situation. Ils apportent un éclairage scientifique objectif sur la nature des dégâts réels et des risques associés, dans un contexte de difficultés à obtenir l’information et à la valider. Les expertises permettent d’élaborer des notes techniques diffusées aux pouvoirs publics et, le cas échéant, aux élus, aux associations et publiées sur le site Internet de l’IRSN.

Événements Expertises de l’IRSN
Élévation du niveau de radioactivité mesurée par certaines balises dans la zone d’exclusion de Tchernobyl La cellule « Conséquences radiologiques » privilégie l’explication d’un dysfonctionnement technique des balises, après échanges avec ses partenaires européens et l’AIEA, sans exclure l’hypothèse d’une remise en suspension de matières radioactives par le passage des chars russes.
Perte des alimentations électriques de toutes les installations de la centrale de Tchernobyl. Évocation du risque d’un « nouveau Tchernobyl » La cellule « Évaluation de l’installation » écarte le risque de dénoyage des assemblages de la piscine d’entreposage, en s’appuyant sur les études post-Fukushima et ses propres calculs. Elle fait une évaluation des autres enjeux du site : risques liés à un tir direct sur le sarcophage, sur les piscines de stockage du combustible.
Premier bombardement de la centrale de Zaporizhzhya faisant état d’un endommagement de l’enceinte de confinement La cellule « Conséquences radiologiques » confirme l’absence de rejet. La cellule « Évaluation de l’installation », sur la base d’une étude de la conception de la centrale et de ses moyens d’alimentation électrique, évalue la robustesse de la centrale et confirme une autonomie de l’ordre de 10 jours en cas de perte totale des alimentations externes, sous réserve que les équipes du site restent opérationnelles.
Feux de forêt dans la zone d’exclusion de Tchernobyl entraînant une hausse de la radioactivité mesurée La cellule « Conséquences radiologiques » croise les données de sa surveillance en Ukraine et en Biélorussie avec les mesures des filtres d’aérosols d’autres pays européens et de son réseau OPERA-Air qui détecte d’infimes traces de radioactivité dans l’air. Aucune élévation anormale de la radioactivité n’est constatée.
Un mois de bombardements inquiétants sur la centrale de Zaporizhzhya La cellule « Évaluation de l’installation » se rapproche de l’exploitant Energoatom pour évaluer les nombreux dégâts. La cellule « Conséquences radiologiques » ne mesure pas d’élévation de la radioactivité. L’IRSN alerte les autorités sur la situation dégradée de la centrale et détaille les vulnérabilités du site : zones identifiées comme sensibles au regard des risques radiologiques et principaux enjeux en termes de sûreté.
Perte des alimentations électriques de la centrale South Ukraine, puis bombardement systématique du réseau électrique ukrainien conduisant à l’arrêt automatique de tous les réacteurs des quatre centrales La cellule « Évaluation de l’installation » fait une évaluation des moyens et du temps nécessaire à une reconstitution progressive du réseau électrique permettant un redémarrage des réacteurs. L’IRSN souligne la nécessité de reconstituer le réseau électrique national pour garantir une alimentation pérenne des systèmes de sûreté des sites nucléaires.
Arrivée de l’hiver La cellule « Évaluation de l’installation » fait une évaluation préventive de la capacité des centrales ukrainiennes (en particulier celle de Zaporizhzhya) à gérer la saison hivernale. Elle valide avec l’exploitant la mise en œuvre de protections thermiques des groupes électrogènes de secours.
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Éric Cogez,
chef de l’expertise de crise, chef du service d’intervention radiologique et de surveillance de l’environnement

EN TEMPS DE GUERRE, LE JUGE DE PAIX, C’EST LA BALISE DE SURVEILLANCE DE L’ENVIRONNEMENT

« Dans un pays en guerre, où la bataille de la communication oblige à appréhender avec une approche très critique les informations diffusées par les belligérants sur la nature des dégâts, l’unique façon de savoir si une installation nucléaire a rejeté de la radioactivité dans l’environnement, c’est de faire des mesures autour de l’installation attaquée. La surveillance de la radioactivité en Ukraine a permis d’objectiver les expertises de sûreté de la cellule « Évaluation des installations » qui travaillait avec peu d’informations au début du conflit. Elle indiquait si les tirs pouvaient avoir ou non atteint une zone sensible. Grâce au professionnalisme et à l’entraînement des équipes de la surveillance de l’environnement, l’IRSN est capable d’interpréter finement toute variation des niveaux de radioactivité et d’indiquer si elle s’explique par les conditions météo, une défaillance de balise ou une autre cause. »

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NOTES TECHNIQUES D’INFORMATION DES POUVOIRS PUBLICS

  • 3 notes « Situation des installations nucléaires en Ukraine »
  • 2 notes « Situation sur le site de Tchernobyl »
  • 4 notes « Situation de la centrale de Zaporizhzhya »
  • 1 note « Impact de la détérioration du réseau électrique national ukrainien sur les centrales nucléaires »

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NOTE PÉDAGOGIQUE « PRISE DE COMPRIMÉS D’IODE STABLE EN SITUATION D’URGENCE »

S’ADAPTER

Tout au long des 10 mois de guerre de l’année 2022, l’IRSN fait preuve d’agilité. Il se transforme, notamment en sortant de ses « procédures » de gestion de crise, non adaptées à la situation en Ukraine. Il adapte, en innovant, son organisation, sa mobilisation, son implication, ses méthodes et ses outils aux spécificités de la crise Ukraine : des événements et des sollicitations très fluctuants, des périodes intenses, pas d’accident mais un risque permanent, une tension continue, une crise longue dont il n’est pas possible de prévoir la fin…

UNE ORGANISATION FLEXIBLE DU CENTRE TECHNIQUE DE CRISE

Pendant la période de gréement du CTC, l’organisation de crise sort de son cadre, tout en restant en phase avec ses grands principes. Pour s’adapter à des événements et des sollicitations très fluctuants, les cellules de crise et les effectifs mobilisés varient selon les jours, et souvent au cours d’une même journée, en fonction des sujets à traiter. Ils travaillent en mode hybride : certains sur site, d’autres à distance.

Les travaux sont effectués essentiellement en heures ouvrables par les équipiers du « pool Ukraine » représentant les fonctions clés. Ces experts, mobilisés dès le début de la crise, ont l’historique de toutes les actions menées par le CTC. La nuit et le week-end, ce sont les équipiers d’astreinte qui assurent la veille, prêts à alerter le directeur de crise, à effectuer les premières évaluations et à appeler en renfort les équipiers du « pool Ukraine » en cas d’événement important.

UN TRAINING OPÉRATIONNEL RÉGULIER DES ÉQUIPIERS D’ASTREINTE

Pour acculturer les équipiers d’astreinte aux risques réels pesant sur les installations nucléaires ukrainiennes, des entraînements sont régulièrement organisés. Ces exercices à vocation opérationnelle prennent appui sur les travaux théoriques d’anticipation réalisés par leurs collègues du « pool Ukraine » : les Fiches Accident Type pour chaque famille d’installations nucléaires ukrainiennes et les scénarios enveloppes déjà calculés. À partir des valeurs d’un scénario accidentel et des données de Météo France du jour, les équipiers d’astreinte s’entraînent à faire des calculs sur toute la chaîne opérationnelle : évaluation de la situation accidentelle, calcul du rejet, estimation de la dispersion du panache dans l’environnement européen, identification des zones qui nécessiteraient des mesures de protection des populations, rédaction du message externe CTC de recommandations aux pouvoirs publics. Ces entraînements, mis en place avant l’été, ont été réactivés depuis mi-novembre à un rythme hebdomadaire. Ils favorisent le partage des connaissances et le passage de relais entre les équipiers du « pool Ukraine », très impliqués dans la gestion de crise, et le vivier des équipiers d’astreinte, plus éloignés du sujet. Ils renforcent l’implication des collaborateurs de l’Institut et permettraient d’assurer la réactivité de l’ensemble des équipiers du vivier de crise en cas d’événement grave en Ukraine.

L’ACTIVATION D’UNE ORGANISATION INNOVANTE DE « VEILLE ACTIVE »

Le 8 avril 2022, l’IRSN allège son dispositif, en restant disponible pour ses interlocuteurs. Plusieurs raisons motivent ce choix : le conflit se prolonge et la tension autour des sites nucléaires ukrainiens, notamment Zaporizhzhya, baisse. Les équipes très impliquées durant ces semaines sont aussi mobilisées sur des sujets nationaux ou internationaux. La démarche de l’IRSN est de s’inscrire dans la durée.

En août, la centrale de Zaporizhzhya est le théâtre de tirs répétés particulièrement inquiétants. Le 22, l’IRSN décide de remobiliser les équipiers du « pool Ukraine », sans toutefois gréer formellement son organisation. Elle choisit un format innovant de « veille active » non prévu dans son organisation. Objectif : mobiliser les équipes en organisant des rendez-vous de concertation réguliers sur la base des bilans de situation établis par les quatre dispositifs de veille (média, sûreté, surveillance de l’environnement, international) réactivés. Depuis, tous les lundis, le directeur de crise réunit les animateurs des cellules du « pool Ukraine » ainsi que les principaux équipiers d’astreinte pouvant être sollicités « à chaud », afin de partager une vision de l’actualité de la semaine, de faire un point d’avancement sur les travaux en cours, de définir les orientations, les travaux à initier, les documents à produire pour éclairer les pouvoirs publics et informer les médias et la société civile. Ce dispositif allégé permet à l’IRSN de se mobiliser de façon réactive sur six incidents réels qui se succèdent en moins de 30 jours sur le territoire national, de septembre à mi-octobre, et d’honorer son programme d’exercices de crise et de visites (cf. Crise et post-accidentel).

LE GRÉEMENT INÉDIT D’UNE CELLULE « INTERNATIONAL »

Une cellule « International » créée après l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi, rarement sollicitée dans le cadre d’exercices, se grée au CTC dès le 25 février pour aider à la collecte et au recoupement d’informations permettant d’objectiver les événements. Elle est chargée des liaisons internationales avec deux types d’interlocuteurs : le réseau des partenaires techniques historiques de l’IRSN et le réseau des contacts institutionnels, qu’elle recense.

Elle organise et produit d’abord quotidiennement puis à un rythme hebdomadaire le bulletin de veille internationale. Elle suit avec attention les informations d’autoévaluation de la situation, postées après chaque attaque nucléaire par SNRIU sur deux plateformes administrées par l’AIEA : USIE, le système unifié d’échange d’informations en cas d’incident ou d’urgence, et IRMIS, le système international d’information sur le contrôle radiologique. Elle rend compte des conférences de presse du directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi.

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Olivier Isnard,
adjoint au directeur délégué à la crise, interface avec les réseaux d’information internationaux

LA CRISE UKRAINE A RENFORCÉ LE BESOIN D’ÉCHANGES AVEC NOS HOMOLOGUES TECHNIQUES ET NOS CONTACTS INSTITUTIONNELS À L’INTERNATIONAL

« Depuis de nombreuses années, et particulièrement depuis l’accident de Fukushima-Daiichi, l’IRSN travaille avec ses homologues en Europe et dans le monde à la construction d’une expertise de crise commune : appréciation commune des risques, méthodes d’évaluation techniques et outils partagés pour le diagnostic et le pronostic de rejets… Très présent sur la scène internationale de la gestion de crise, l’Institut a noué des partenariats avec les grands centres de crise des organismes techniques et des autorités de sûreté. C’est donc assez naturellement que, dès le début des événements en Ukraine, nous avons établi des échanges réguliers avec nos partenaires historiques : GRS et BfS en Allemagne, la NNSA, le NARAC du DOE, ainsi que la NRC aux USA, STUK en Finlande, SSM en Suède et BelV en Belgique… L’enjeu était de comprendre le niveau de mobilisation et de préparation des uns et des autres, de se mettre tous en capacité de construire une évaluation commune afin d’éclairer les décisions des pouvoirs publics en Europe en cas d’événement avéré. Ces contacts suivis nous ont amenés à partager des produits techniques que nous n’avions pas encore échangés, à vérifier que chacun pouvait lire les données techniques et les intégrer dans le flux de ses travaux.

Nous avons établi le même type d’échanges avec l’IEC, le centre de crise de l’AIEA, avec lequel nos relations n’étaient pas encore formalisées. L’AIEA se posait des questions techniques assez précises sur les risques associés à la situation ukrainienne. L’Institut lui a communiqué des éléments d’analyse de sûreté.

Toujours dans le cadre de la crise Ukraine, nous avons échangé avec WENRA, l’association des autorités de sûreté des pays d’Europe de l’Ouest présidée, en 2022, par l’ASN. Nous avons notamment participé à des réunions avec la Commission européenne qui ont produit un rapport d’inter-comparaison des capacités d’expertise à l’échelle européenne dans un objectif d’intégration renforcée. »

INFORMER

Dans une démarche de transparence et d’ouverture à la société, l’IRSN s’est fortement mobilisé pour répondre aux sollicitations médiatiques et aux demandes spécifiques d’autres acteurs de la société civile. L’Institut a publié des notes d’information et d’actualité à caractère pédagogique, technique et scientifique. En communication interne, de nouvelles initiatives ont permis d’informer les collaborateurs sur la situation et les actions que menait l’Institut.

UNE ÉQUIPE COMMUNICATION EN ÉTAT D’ALERTE

Dès le début du conflit, la Direction de la communication de l’IRSN est en alerte. Les équipes instaurent une veille médiatique sur les menaces d’une guerre. Le 24 février, la pression des médias s’intensifie. Pour répondre à ces premières sollicitations, l’IRSN décide d’activer l’organisation de crise en mode veille avant de gréer officiellement le Centre technique de crise le 25. Immédiatement, la cellule « Communication » organise le dispositif de veille médiatique « spécial Ukraine » intégrant l’ensemble des réseaux sociaux et des médias conventionnels en France et à l’international. Pour informer les équipes du CTC sur les événements, elle produit une ou plusieurs synthèses quotidiennes, en fonction de l’actualité. Mettant en lumière des sujets de préoccupation chez les élus, les associations, les travailleurs ou les citoyens, cette veille médiatique oriente des prises de décision de l’IRSN sur des expertises techniques à lancer ou des éléments de langage thématiques à travailler.

UNE INFORMATION OUVERTE ET PÉDAGOGIQUE EN RÉPONSE À LA PRESSION DES MÉDIAS

Les jours suivants, les questionnements des journalistes s’amplifient. Deux porte-parole sont choisis : l’un pour répondre aux questions touchant à la sûreté, l’autre à des sujets de radioprotection/santé. Leur nombre est volontairement limité en raison de la volatilité des événements qui requiert une connaissance approfondie du sujet au quotidien.

L’équipe Communication organise les éléments techniques produits par le CTC pour répondre de la manière la plus pédagogique possible à des questions récurrentes : quelles sont les installations nucléaires en Ukraine ? Quelle est la situation de ces centrales (technologie, robustesse, état de sûreté…) ? Quelle est la situation radiologique ? Y a-t-il un risque ? Si oui, de quelle nature ?

Lorsque le CTC produit une note d’information, la Direction de la communication la diffuse et la valorise en interne et, le cas échéant, dans les médias et sur le site Internet de l’Institut (irsn.fr).

Le service de presse instruit toutes les demandes des médias et, en lien avec les experts de l’IRSN, y donne suite.

Une fois établi, ce processus se poursuit : produire, transmettre, publier, informer et répondre aux questions des médias.

La pression médiatique connaît plusieurs pics. Les experts sont particulièrement sollicités autour des événements du 24 février, du 4 mars, du 9 mars dans un contexte inédit de guerre de l’information, puis à nouveau en août et début septembre lorsque la mission de l’AIEA à Zaporizhzhya remet son rapport d’inspection.

LE TRAITEMENT DE NOMBREUSES AUTRES SOLLICITATIONS

La communication reçoit également les demandes d’autres acteurs, qui arrivent directement ou lui sont adressées par d’autres services de l’IRSN. Ces sollicitations viennent du HCTISN (Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire), d’associations (des CLI, l’ANCCLI, la CRIIRAD, Greenpeace…), d’ONG et même d’entreprises qui s’interrogent sur les mesures et équipements de radioprotection nécessaires pour leurs salariés. Quelques exemples :

  • Médecins Sans Frontières sollicite un support de formation pour ses équipes qui partent en Ukraine ;
  • France Télévision demande des préconisations sur l’équipement de ses journalistes et équipes de tournage qui partent réaliser le journal de 20h en Ukraine dans la ville de Lviv ;
  • la CRIIRAD pose des questions sur les évaluations de l’IRSN.

Chaque fois, le CTC instruit les demandes, définit la position de l’Institut et l’interlocuteur expert chargé de la réponse.

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SOLLICITATIONS PRESSE QUI ONT DONNÉ LIEU À DES INTERVIEWS PRESSE ÉCRITE, WEB, RADIO ET TÉLÉVISION

UNE COMMUNICATION INTERNE RENFORCÉE POUR VALORISER LA PUISSANCE DU COLLECTIF

Dès l’activation du CTC, un message interne informe l’ensemble des collaborateurs sur la situation. Il annonce le gréement de l’organisation de crise, explique que l’Institut est sollicité et mobilisé sur la guerre en Ukraine et qu’il s’est mis en ordre de marche pour produire des expertises et apporter son soutien aux pouvoirs publics dans le cadre de ses missions.

Les équipes de la communication interne relaient les prises de parole de l’IRSN ainsi que les retombées médiatiques. Ce flux d’informations régulier permet aux collaborateurs de prendre connaissance des éclairages sur les événements.

Néanmoins, la guerre se prolonge. L’IRSN doit renforcer sa communication interne. Si un événement grave survenait en Ukraine, chaque collaborateur serait un porte-parole de l’Institut vis-à-vis de sa famille, de son entourage et du monde extérieur.

Par ailleurs, la gestion de cette crise longue mobilise, sur des travaux d’expertise, de plus en plus de collaborateurs qui ne font pas toujours partie du vivier de crise. L’IRSN souhaite valoriser cette nouvelle dynamique transverse et collaborative. Pour ce faire, l’Institut lance en septembre deux initiatives nouvelles :

  • 2 webinaires internes. Ces conférences sur Teams sont suivies par près de 500 collaborateurs. Les animateurs expliquent la nature, la profondeur et le champ de l’action de l’IRSN dans le cadre de ses missions avec des focus sur les évaluations de sûreté des installations ukrainiennes, la problématique des pertes d’alimentation électrique, le dispositif de surveillance de l’environnement mis en place, les échanges et les modes de coopération avec SNRIU, l’investissement en communication ;
  • 4 vidéos internes « Tous mobilisés » ! Ces petits films mettent en scène le témoignage d’experts investis dans la gestion de crise alors qu’ils ne font pas partie du pool d’équipiers d’astreinte de l’organisation de crise de l’IRSN. Montrant une mobilisation multiforme, ils valorisent la force du collectif et la puissance du travail collaboratif.

ET APRÈS…

La crise ukrainienne, sur le continent européen, suivant une dynamique qu’aucun scénario n’avait envisagé, est très différente de celle de la centrale de Fukushima-Daiichi qui, en 2011, avait conduit l’IRSN à gréer le CTC en 24/7 pendant quelques semaines. La crise japonaise, contrairement aux autres crises internationales marquantes de l’histoire du nucléaire civil et de la sûreté, était liée à un accident grave avéré qui affectait simultanément plusieurs réacteurs d’un même site. En Ukraine, aucun réacteur n’a subi de dommage critique en 2022. Néanmoins, un risque radiologique latent, lié à des actes de guerre ciblés contre des installations dispersées sur un vaste territoire ou sur les infrastructures énergétiques, a fait peser une menace durable sur l’Ukraine et les pays voisins. Il a conduit l’IRSN à rester mobilisé ou en veille active pendant 10 mois, une situation inédite. Étant donné que la guerre dure, l’Institut poursuit autant que nécessaire la surveillance des installations nucléaires et de l’environnement en Ukraine, en Europe et en France durant l’année 2023.

En parallèle, le retour d’expérience de cette crise atypique est déjà engagé. En effet, l’analyse des événements qui affectent les installations nucléaires est toujours riche d’enseignements pour l’amélioration de la sûreté et de la gestion de crise. Les attaques répétées contre les sites nucléaires ukrainiens, comme la récente crise sanitaire liée à la Covid-19, prouvent, une fois encore, que la réalité d’une crise vient défier l’imagination et que les plans de gestion de crise, s’ils sont très utiles pour s’organiser rapidement en cas d’alerte, ne peuvent jamais tout prévoir. Néanmoins, les améliorations de sûreté des installations nucléaires mises en œuvre en Europe, et plus particulièrement en Ukraine, à la suite du retour d’expérience de la catastrophe de Fukushima-Daiichi, alors même qu’elles n’ont pas été pensées pour protéger ces installations en situation de guerre, ont directement contribué à la robustesse des centrales durant cette année de conflit. Elles ont limité le risque d’accident grave du fait de la perte d’alimentations électriques externes.

La situation exceptionnelle de la crise en Ukraine a également conduit l’IRSN à chercher des réponses hors cadre pour construire sa résilience en s’appuyant sur la capacité de ses équipes pluridisciplinaires à adapter l’effort aux enjeux. En interne, cette crise est un catalyseur d’adaptation et de transformation pour l’Institut. En externe, elle réaffirme l’importance du rôle de l’IRSN, comme expert technique et appui aux pouvoirs publics, dans le contexte d’une gestion de crise internationale.