illustration chiffre un

EXPERTISE DE
SÛRETÉ
NUCLÉAIRE

Expert public du risque nucléaire et radiologique, l’IRSN évalue la sûreté des installations nucléaires – réacteurs, usines du cycle du combustible, laboratoires, installations de recherche ou de stockage des déchets radioactifs – à chaque étape de leur cycle de vie, de leur conception à leur démantèlement. Les résultats de ses programmes de recherche et de ses études, l’analyse du retour d’expérience des événements qui se produisent dans les installations et les transports ainsi que les enseignements tirés des évaluations de sûreté précédentes alimentent ses travaux d’expertise.

En 2022, quelques grands dossiers d’expertise ont mobilisé l’IRSN, comme l’identification des principaux enjeux de l’expertise de sûreté nucléaire à 10 ans, le réacteur EPR de Flamanville, les suites du réexamen périodique générique pour les réacteurs de 900 MWe, le projet EPR2, les installations du cycle et en démantèlement, l’emballage de transport R 85, ou encore le retour d’expérience en matière de comportement du combustible en réacteur sur la décennie qui vient de s’écouler. Mais les plus importants d’entre eux restent, d’une part, le réexamen périodique de sûreté du parc électronucléaire – au stade du réexamen générique pour les réacteurs 1 300 MWe (RP4-1300) et de la visite décennale des réacteurs pour ceux du palier de 900 MWe (VD4-900) – et, d’autre part, les travaux liés à l’analyse de l’endommagement par corrosion sous contrainte de tuyauteries connectées au circuit primaire principal de plusieurs réacteurs d’EDF, phénomène qui a conduit à l’arrêt prolongé d’une douzaine d’entre eux.


SÛRETÉ NUCLÉAIRE : L’IRSN IDENTIFIE LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L’EXPERTISE À 10 ANS

En 2022, l’IRSN a publié sa stratégie d’expertise de sûreté pour les 10 ans à venir. L’Institut a récemment traité plusieurs grands dossiers de sûreté relatifs aux réacteurs nucléaires (4e réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe, dossier de mise en service de l’EPR de Flamanville 3), aux installations du cycle du combustible (future piscine d’entreposage centralisé d’EDF), aux laboratoires de recherche ou au transport de matières nucléaires. Dans un contexte très évolutif, l’IRSN fait désormais face à de nouveaux défis : vieillissement des installations, relance du nucléaire, dérèglement climatique… À ce moment charnière, il importait de réviser la stratégie d’expertise en sûreté précédente, de prioriser les enjeux. Cette nouvelle stratégie, applicable à toutes les installations nucléaires civiles, se décline suivant quatre axes principaux.

Le premier axe a pour objectif de renforcer la sûreté en exploitation, qu’il s’agisse par exemple de la bonne appropriation des dispositions de sûreté par les opérateurs de terrain ou de la fiabilisation des interventions. Cela passe notamment par des analyses approfondies de la maîtrise des référentiels d’exploitation et du retour d’expérience d’exploitation.

Le deuxième axe vise à poursuivre l’amélioration de la sûreté de conception des installations existantes, basée sur une vision globale de la sûreté. Il s’agit de stabiliser les référentiels de sûreté pour les installations existantes et de s’assurer de leur déclinaison sur le terrain, tout en veillant à la prise en compte des conséquences des évolutions climatiques, et en analysant les conditions de maintien en exploitation des installations anciennes. Inciter les exploitants à la reprise des déchets anciens et à un démantèlement rapide des installations arrêtées fait aussi partie de cet axe.

Le troisième axe concerne les installations futures. Il s’agit notamment de se positionner sur les objectifs et les exigences de sûreté à retenir en tenant compte des meilleures pratiques et doctrines au niveau international, et du retour d’expérience acquis sur les projets les plus récents, selon une approche proportionnée aux enjeux. En plus de l’EPR2, l’IRSN se prépare à expertiser de nouveaux concepts de réacteurs comme les petits réacteurs modulaires (SMR) mettant en œuvre des technologies innovantes.

Enfin le dernier axe, plus général, consiste à savoir s’adapter et à anticiper. Face à la digitalisation en cours chez les exploitants, aux possibilités offertes par les technologies d’intelligence artificielle, à des méthodes d’études innovantes, mais aussi devant un besoin d’approches plus globales de la sûreté, incluant une vision d’ensemble du système sociotechnique et des organisations, le métier de l’expertise en sûreté changera d’ici 2030. L’IRSN s’y prépare.

489
AVIS ET RAPPORTS
TECHNIQUES
À L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ
NUCLÉAIRE EN 2022

VD4-900 : L’IRSN REND DES AVIS SUR LA PROLONGATION DE FONCTIONNEMENT DES RÉACTEURS BUGEY 2 ET TRICASTIN 2

Après le réexamen générique de l’ensemble des réacteurs du palier de 900 MWe (RP4-900), la visite décennale de chacun de ces réacteurs (VD4-900) donne lieu à un rapport de conclusion du réexamen périodique (RCR) établi par EDF. Dans ce document, l’exploitant statue sur la conformité de l’installation à son référentiel de sûreté et dresse, dans ce cadre, le bilan des modifications réalisées ou planifiées sur l’installation en vue de remédier aux écarts constatés ou d’améliorer la sûreté de celle-ci.

À la demande de l’ASN, l’IRSN a examiné les différentes thématiques de ce RCR, comme la conformité de l’installation, son aptitude à poursuivre son fonctionnement au-delà de 40 ans, la maîtrise des conséquences potentielles liées à son vieillissement, la protection à l’égard des effets des agressions externes, le génie civil, l’état de la cuve, la qualification des matériels aux conditions accidentelles ou encore l’avancement du déploiement des mesures « post-Fukushima ». Pour chaque rapport, près d’un millier de pages sont ainsi analysées afin d’établir l’avis technique remis par l’Institut à l’ASN. En 2022, l’Institut a publié les avis relatifs aux RCR des réacteurs n° 2 du Bugey et n° 2 du Tricastin.

POURSUITE DE L’EXPERTISE DU 4E RÉEXAMEN PÉRIODIQUE DES RÉACTEURS DE 1 300 MWe

Après avoir mené à bien le 4e réexamen périodique des réacteurs de 900 MWe (RP4-900), l’IRSN a poursuivi en 2022 celui des 20 réacteurs de 1 300 MWe (RP4-1 300) mis en service par EDF à partir du milieu des années 1980. Ce chantier considérable, qui a commencé en 2019 par l’examen des dossiers d’orientations de sûreté préfigurant les sujets d’intérêt à instruire lors de la phase générique du RP4-1 300, se poursuit depuis 2021 par l’examen des premiers dossiers de sûreté transmis par EDF. Cette phase générique s’achèvera d’ici fin 2024 avec la publication par l’Institut d’un avis technique à destination de l’ASN, en vue d’une prise de position sur l’aptitude des réacteurs de 1 300 MWe à poursuivre leur exploitation au-delà de 40 ans.

Les experts de l’IRSN se sont appuyés sur les conclusions des expertises menées dans le cadre du RP4-900, remises à l’ASN début 2021, pour hiérarchiser en matière d’enjeux de sûreté, les sujets à examiner, en tenant compte des principales différences de conception entre les réacteurs de 900 MWe et de 1 300 MWe. L’une d’entre elles concerne la double enveloppe qui constitue l’enceinte de confinement des réacteurs de 1 300 MWe, pour laquelle l’Institut a lancé un programme de recherche portant sur le comportement des peaux d’étanchéité à l’intrados du bâtiment réacteur en cas d’accident grave. L’IRSN examinera en outre les études complémentaires de sûreté relatives au chargement de six de ces réacteurs en combustible à base d’oxydes mixtes uranium-plutonium (MOX), ce qui constitue une évolution majeure par rapport à leur référentiel de conception.

Enfin, le RP4-1 300 sera également l’occasion de mettre l’accent sur des sujets hautement complexes comme la prise en compte des agressions internes et externes (incendie, explosion, canicule, inondation interne…) et sur le déploiement des derniers équipements constituant le « noyau dur » qui intègre les enseignements des évaluations complémentaires de sûreté effectuées sur les installations nucléaires à la suite de l’accident de Fukushima-Daiichi.

En savoir plus :
Les risques liés aux aléas climatiques
La maîtrise des risques d’incendie et d’explosion
Dossier spécial « 10 ans après l’accident, quels enseignements ? »

AVIS DE L’IRSN SUR LE COMPORTEMENT DES JOINTS DES TAMPONS DES TRAVERSÉES D’ACCÈS DES MATÉRIELS DES RÉACTEURS

Comme leur nom l’indique, les traversées d’accès des matériels permettent le passage de différents matériels à travers l’enceinte de confinement du bâtiment du réacteur. Les tampons, dont sont équipées ces traversées, visent à assurer le confinement des radionucléides dans le bâtiment du réacteur, notamment en condition d’accident grave, en comprimant des joints d’étanchéité lors de leur fermeture. L’IRSN a étudié le comportement de ces joints sous l’action conjuguée de l’irradiation, de la température, de la pression et de la vapeur d’eau. Dans l’avis technique qu’il a rendu sur cette base en 2022, l’Institut invite EDF à compléter sa démonstration d’étanchéité en condition d’accident grave, qui n’est à ce jour acquise pour aucun des tampons des traversées d’accès des matériels équipant les réacteurs du parc en exploitation.
Pour en savoir plus

L’IRSN S’IMPLIQUE DANS LES ANALYSES DE SÛRETÉ DES PETITS RÉACTEURS MODULAIRES INNOVANTS

Jimmy est un projet de microréacteur calogène à haute température développé par la société Jimmy SAS. À la demande de l’ASN, l’IRSN a évalué en 2022 le caractère suffisant des éléments reçus pour engager une expertise des options de sûreté. Il ressort de cette analyse que les principales options de sûreté (cœur, barrières, principaux accidents, etc.) sont abordées dans le dossier, mais que leur évaluation nécessiterait des éléments complémentaires de la part du concepteur. L’analyse de l’IRSN s’est donc limitée aux sujets techniques structurants du concept Jimmy – comme le cœur et les circuits primaires du réacteur – en vue d’une première évaluation de la maturité et du caractère suffisant des options actuellement proposées.

L’ENDOMMAGEMENT PAR CORROSION SOUS CONTRAINTE DE TUYAUTERIES CONNECTÉES AU CIRCUIT PRIMAIRE PRINCIPAL DE RÉACTEURS D’EDF : UN PHÉNOMÈNE COMPLEXE

À la fin de l’année 2021, un phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) affectant les circuits connectés au circuit primaire de plusieurs réacteurs nucléaires du parc EDF a été constaté, conduisant en 2022 à l’arrêt prolongé d’une douzaine d’entre eux. Il s’agit d’un mode de corrosion assez répandu dans l’industrie conventionnelle mais plus rare dans le nucléaire, et qui résulte généralement, pour un matériau sensible, de l’action conjuguée d’une contrainte mécanique et d’un milieu agressif. Cette dégradation conduit à l’amorçage d’une ou plusieurs fissures, puis à leur propagation au sein du matériau considéré. « Dans les réacteurs, les circuits principaux de refroidissement et les circuits connectés sont en acier inoxydable – alliages de fer, de chrome et de nickel. Le mécanisme élémentaire de la corrosion constatée est lié à une oxydation thermiquement activée du métal, souligne Olivier Dubois, directeur adjoint de l’expertise de sûreté de l’IRSN. Pour un chargement mécanique et un environnement chimique donnés, plus la température est élevée, plus les fissures se propagent rapidement. » Les défauts résultant de la CSC dans les tuyauteries en acier inoxydable sont particulièrement difficiles à déceler par des examens non destructifs (ultrasons ou radiographies). « De plus, il s’agit d’un phénomène pernicieux, dans la mesure où les contrôles réalisés régulièrement sur les tuyauteries ne permettent de l’identifier qu’une fois un défaut assez profond présent. Enfin, la vitesse de propagation des fissures observées n’est pour le moment pas précisément caractérisée », poursuit Olivier Dubois.

En parallèle des actions mises en œuvre par EDF, l’IRSN a utilisé en 2022 ses outils de simulation pour évaluer les conséquences potentielles qu’aurait la rupture des tuyauteries concernées, et ainsi bien peser les enjeux de sûreté, partagés avec EDF. Alors que les chantiers de remplacement des tronçons concernés menés par EDF se poursuivent et que l’IRSN analyse les différents volets des dossiers d’EDF, les causes profondes des anomalies restent à établir : contraintes mécaniques excessives dues à des phénomènes de stratification thermique, anomalies de soudure, effets chimiques dans lesquels l’oxygène présent dans l’eau pourrait jouer un rôle prépondérant…?

Dans le cadre de ses recherches, l’Institut a également poursuivi en 2022, en collaboration avec des partenaires internationaux tels que la Commission de réglementation nucléaire des États-Unis (US NRC), des travaux visant à mieux comprendre la propagation des ondes ultrasonores dans les aciers inoxydables. Les résultats obtenus permettront à l’IRSN de se positionner au sujet des performances des examens non destructifs mis en œuvre aujourd’hui et en cours de développement.

RÉEXAMEN PÉRIODIQUE DE LA SÛRETÉ DE L’USINE UP2-800 (INB N° 117) DE LA HAGUE

Dans le cadre de l’expertise de ce réexamen périodique, l’IRSN a présenté en 2022 au Groupe permanent d’experts pour les laboratoires et usines (GPU) placé auprès de l’ASN, les conclusions de son expertise des compléments relatifs à l’atelier NPH, concernant notamment les études de comportement de cet atelier en cas d’aléas naturels (séisme, vent…). L’Institut a souligné l’ampleur des travaux de renforcement et de déconstruction que l’exploitant s’est engagé à réaliser, considéré que les dispositions compensatoires déjà prises par Orano dans le cadre du réexamen périodique de l’usine UP2-800 devaient être maintenues tant que les travaux n’auront pas été menés à leur terme, et souligné que ces travaux devraient permettre le respect des exigences de sûreté actuellement définies pour cette INB.

L’IRSN EXAMINE LA SÛRETÉ DU DÉMANTÈLEMENT DE FESSENHEIM

Le démantèlement d’une installation nucléaire est une opération complexe, qui soulève des questions aux multiples enjeux de sûreté, de radioprotection ou de gestion des déchets. Dans le cadre de ses missions d’expertise, l’IRSN évalue, à la demande de l’ASN, les dispositions de sûreté proposées par l’exploitant dans le dossier joint à la demande de décret de démantèlement. En 2022, l’Institut a engagé l’expertise du dossier de démantèlement de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) dont les deux réacteurs ont été mis à l’arrêt en 2020. D’une puissance unitaire de 900 MWe, ils seront les 2e et 3e réacteurs de la filière à eau sous pression à être démantelés en France, après celui de Chooz A (Ardennes).

Inscrit dans la loi de 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte (TECV), le principe de démantèlement immédiat vise à ne pas faire porter sur les générations futures le poids des opérations afférentes ; il implique de disposer le moment venu des provisions nécessaires, de solutions techniques fiables et de filières industrielles de gestion des déchets radioactifs. Sur le plan de la sûreté, un tel principe présente de nombreux avantages comme une évacuation rapide des substances les plus radioactives, une meilleure connaissance de l’état de l’installation à démanteler, une disponibilité en interne de moyens humains et de compétences, et moins d’effets du vieillissement. Plus généralement, cette approche conduit à diminuer au plus tôt les risques pour le public et l’environnement.

Étalée sur plusieurs années, la gestion d’un projet de démantèlement nécessite d’abord de caractériser l’état initial de l’installation concernée et de définir précisément l’état final visé. Dans ce contexte, le chantier de démantèlement des réacteurs s’organise en quatre grandes étapes : l’évacuation des matières et déchets présents notamment dans le bâtiment du réacteur, le démontage des équipements présents (cuve, générateurs de vapeur, circuits primaire et secondaire…), l’assainissement des locaux (suivi de leur réhabilitation ou de leur déconstruction complète) et pour finir l’assainissement des sols. À ce jour, en France, plusieurs installations nucléaires – usines du cycle du combustible, laboratoires, réacteurs de recherche… – sont en cours de démantèlement. Elles apportent à cet égard un retour d’expérience utile pour ce qui concerne la sûreté de ces opérations qui exigent une planification et des analyses de sûreté spécifiques, considérant notamment les risques de dispersion de substances radioactives, liés à des agressions internes comme l’incendie, ou à la coactivité, en prenant en compte les facteurs organisationnels et humains.

Dans le cas de la centrale de Fessenheim, l’IRSN s’est déjà positionné sur les opérations de retrait des équipements qui ne sont plus nécessaires à la sûreté de l’installation du fait de l’évacuation du combustible. Des opérations préalables au démarrage du démantèlement à proprement parler (prévu en 2025) – telles que la décontamination du circuit primaire ou l’évacuation des différentes parties des anciens générateurs de vapeur entreposés sur site – sont en cours, programmées ou déjà réalisées.

En marge de ces opérations, la centrale de Fessenheim est une opportunité pour des études in vivo des effets de phénomènes de vieillissement, notamment sur des équipements ou matériels non accessibles en exploitation ou dont les contrôles sont limités. Pour l’IRSN, des prélèvements de matériaux et composants devraient ainsi être planifiés, à des fins de conservation pour de futurs programmes de recherche et développement, avant que les opérations de démantèlement ne viennent les altérer.

RÉÉVALUATION DE L’ALÉA SISMIQUE POUR LES RÉACTEURS DE 1 300 MWe

L’Institut a examiné en 2022 les mouvements sismiques définis par EDF pour les réacteurs du palier de réacteurs de 1 300 MWe à partir des séismes historiques. Dans son avis issu de cet examen, l’Institut estime satisfaisant l’aléa sismique considéré pour tous les sites, à l’exception de ceux de Cattenom et de Saint-Alban. De plus, il estime que la nouvelle méthode proposée par EDF pour la détermination des couples magnitude/profondeur des séismes historiques présente plusieurs évolutions positives. Néanmoins, il est nécessaire pour l’IRSN de disposer d’éléments complémentaires pour vérifier le bien-fondé de certains choix et hypothèses retenus par EDF dans les phases de calibration et d’application de cette méthode.
En savoir plus sur la prise en compte du risque sismique pour les sites des installations nucléaires

DES AVANCÉES MAJEURES DE L’EXPERTISE DE L’IRSN EN VUE DE LA MISE EN SERVICE DE L’EPR DE FLAMANVILLE 3

En 2022, l’IRSN a produit une vingtaine d’avis en vue de la mise en service de l’EPR de Flamanville 3. Plusieurs concernent le traitement par EDF des anomalies affectant des soudures de tuyauteries. Globalement, les éléments correspondants ont été considérés comme acceptables par l’IRSN. En ce qui concerne les systèmes du réacteur importants pour la sûreté, l’expertise menée sur les soupapes du pressuriseur a mis en évidence, nonobstant les modifications favorables apportées, un besoin de surveillance renforcée en exploitation. L’expertise relative à la « recirculation », c’est-à-dire la possibilité de refroidir le cœur à long terme à la suite d’un accident, reste un sujet d’attention ; des essais de démonstration sont toujours en cours. Enfin, lors du fonctionnement des premiers EPR mis en service dans le monde, des fluctuations localisées de puissance du cœur et des défaillances du combustible ont été observées. Pour y remédier, EDF a prévu des solutions qui sont, selon l’IRSN, acceptables dans leurs principes. L’année 2023 devrait permettre de clôturer ces expertises et de poursuivre l’analyse des essais de démarrage du réacteur.

ANALYSE PAR L’IRSN DU DOSSIER EDF RELATIF À L’IMPACT DES SCÉNARIOS DE MIX ÉNERGÉTIQUE SUR LE CYCLE DU COMBUSTIBLE NUCLÉAIRE

À la demande de l’ASN, l’IRSN expertise les études de la cohérence globale du fonctionnement du cycle du combustible réalisées de manière périodique par EDF. Dans ce cadre, l’Institut a publié en 2022 un avis relatif à l’impact des scénarios de mix énergétique sur le cycle du combustible nucléaire. « Si ces scénarios s’appliquent en premier lieu aux réacteurs électronucléaires, leur impact s’étend à l’ensemble des installations du cycle du combustible nucléaire, qui doivent être adaptées aux évolutions de fonctionnement des réacteurs, rappelle Igor Le Bars, directeur de l’Expertise de sûreté à l’IRSN. Aussi l’Institut a-t-il examiné notamment les difficultés ou contraintes d’exploitation susceptibles d’impacter les capacités des installations de traitement des assemblages combustibles usés et de fabrication d’assemblages combustibles à base d’oxydes mixtes d’uranium et de plutonium (MOX), la gestion des rebuts MOX, les transports ou encore le fonctionnement global du cycle du combustible » ajoute Jean Lombard, chargé du suivi du fonctionnement du cycle à l’IRSN.

Dans son avis, l’IRSN a émis des recommandations relatives tout d’abord au suivi des projets en cours afin de prévenir la saturation des entreposages de plutonium (liée aux difficultés de production de l’usine MELOX de fabrication d’assemblages combustibles MOX) et d’assemblages combustibles (liée à la baisse de la capacité de traitement des assemblages combustibles usés de l’établissement Orano Recyclage de La Hague). « L’Institut a également recommandé la mise en place d’un dispositif de suivi régulier du fonctionnement du cycle du combustible permettant de mieux prévenir ou traiter les aléas susceptibles de survenir sur une installation en exploitation ou en cours de réalisation, précise Igor Le Bars. L’IRSN a enfin recommandé que soit effectuée une mise à jour de l’analyse prospective à long terme – réalisée en 2020 – des effets de la programmation pluriannuelle de l’énergie sur la cohérence du cycle. »

Parallèlement à la publication de son rapport d’expertise, disponible sur son site web à la demande du HCTISN, l’IRSN a décidé de réaliser une déclinaison illustrée et commentée de son avis à destination du public et des parties prenantes de la société civile (Commissions locales d’information notamment), document également disponible sur son site web.

L’IRSN EXAMINE LE RETOUR D’EXPÉRIENCE D’EDF EN MATIÈRE DE COMPORTEMENT DU COMBUSTIBLE EN RÉACTEURS SUR LA PÉRIODE 2010-2019

L’IRSN a présenté au groupe permanent d’experts pour les réacteurs placé auprès de l’ASN, son évaluation du retour d’expérience acquis par EDF sur la fabrication et l’exploitation, dans ses réacteurs, des assemblages combustibles et des grappes de commande, sur la période 2010-2019. Sur cette période, l’exploitant a utilisé, dans les 58 réacteurs à eau sous pression (répartis en trois paliers standardisés de 900, 1 300 et 1 450 MWe) qui constituent actuellement son parc nucléaire, différents types d’assemblages combustibles et de grappes fournis par Framatome et Westinghouse. Au fil du temps, ces produits ont fait l’objet de modifications de conception et de fabrication motivées par la volonté d’améliorer la sûreté, la fiabilité et les performances du combustible en exploitation. Ceux-ci ont pris en compte des évolutions du référentiel de sûreté, la cohérence du cycle du combustible – qui intègre actuellement en France le recyclage du combustible usé pour fabriquer des combustibles à base d’oxydes mixtes uranium-plutonium (MOX) et à uranium de retraitement enrichi –, la sécurité d’approvisionnement ainsi que les enseignements tirés de leur fabrication.

Dans son analyse du retour d’expérience sur cette période, l’IRSN relève les efforts d’EDF et de ses fournisseurs en vue d’améliorer les moyens d’identification et de traitement des défaillances du combustible (comme les pertes d’étanchéité de la gaine des crayons de combustible), et de déployer de nouvelles conceptions de produits. L’avis de l’IRSN conclut que, si le retour d’expérience est globalement satisfaisant, EDF doit rester vigilant sur le comportement du combustible et davantage s’appuyer sur le retour d’expérience acquis à l’international, ce à quoi s’est engagé l’exploitant.

L’IRSN ET LES TSO ALLEMAND ET TCHÈQUE REMETTENT UN RAPPORT CONJOINT À LA CLEARINGHOUSE

Le Centre européen d’échange d’informations sur la sûreté nucléaire (European Nuclear Safety Clearinghouse) – mis en place en 2010 au bénéfice des autorités et organismes techniques de sûreté nucléaire des États membres de l’UE, ainsi que des organisations internationales et de la communauté nucléaire au sens large – centralise au sein d’une base de données les enseignements tirés de l’expérience d’exploitation des centrales nucléaires afin d’en améliorer la sûreté. Il permet par exemple aux pays disposant de peu de réacteurs nucléaires de bénéficier du retour d’expérience de pays exploitant des parcs importants, comme la France.

La Clearinghouse remplit plusieurs fonctions. Il s’agit notamment de collecter des données de retour d’expérience d’exploitation auprès d’un certain nombre de sources internationales et nationales ; d’évaluer les principaux événements survenant en matière de sûreté nucléaire et d’alerter les organismes réglementaires nationaux concernés ; de fournir des rapports sommaires d’événements présentant des caractéristiques ou des causes similaires ; de mener des études sur les événements précurseurs dans toutes les installations nucléaires concernées ; et de diffuser des informations sur les mesures correctives prises dans certaines installations en réponse aux enseignements tirés.

En 2022, un consortium d’experts des TSO allemand (GRS), français (IRSN) et tchèque (SÚRO) a émis de nouvelles recommandations relatives à la protection des centrales nucléaires contre les effets des agressions externes d’origine naturelle ou humaine (hors actes de malveillance) dans un rapport conjoint intitulé TOER External Hazard-Related Events II. À partir de l’analyse d’événements significatifs survenus entre 2010 et 2020, et consignés dans des bases de données nationales en France, en Allemagne et en République tchèque, ainsi que dans la base de données internationale IRS (International Reporting System for Operating Experience), ce rapport fournit notamment des recommandations aux autorités de sûreté nucléaire des pays membres de la Clearinghouse en vue de limiter les conséquences sur les installations de phénomènes tels que les tremblements de terre, la foudre, la canicule, le gel, les explosions, etc.

COVID-19 : L’IRSN A PARTICIPÉ À UN SÉMINAIRE DE RETOUR D’EXPÉRIENCE

Organisé le 1er juin 2022 par l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN/OCDE) avec la contribution de l’IRSN, cet échange a réuni un groupe d’experts afin de réfléchir, sur la base du retour d’expérience dans trois domaines d’activité (aviation civile, milieu hospitalier et industrie nucléaire), aux moyens de renforcer la résilience du secteur nucléaire. L’objectif consistait en particulier à revenir sur l’expérience des organisations et l’identification de bonnes pratiques afin de mieux se préparer en vue de futures crises.

L’OUVRAGE INTITULÉ « ÉLÉMENTS DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE – LES RÉACTEURS À EAU SOUS PRESSION » DISPONIBLE EN ANGLAIS

La version anglaise de cet ouvrage de référence paru en 2020, qui concrétise sept années d’effort de capitalisation de connaissances en matière de sûreté nucléaire, a été supervisée par Jean Couturier. Cet ouvrage pédagogique, sans équivalent sur le plan international, est désormais disponible en téléchargement gratuit sur le site web anglais de l’IRSN, dans la Collection sciences et technique.

Télécharger le guide
Télécharger le guide

DE NOUVELLES PRESTATIONS D’EXPERTISE EN EUROPE

L’IRSN a été retenu en 2022, dans le cadre de deux appels d’offres européens lancés par les autorités de sûreté néerlandaise ANVS (Autoriteit Nucleaire Veiligheid en Stralingsbescherming) et norvégienne DSA (Direktoratet for strålevern og atomtryggleik), ces entités étant à la recherche d’un partenaire ou d’un consortium apte à assurer les fonctions de TSO.

S’agissant d’ANVS, l’IRSN s’est associé avec le TSO belge BelV et Bureau Veritas pour répondre aux trois lots de l’appel : expertises, inspections, conseils pour de futurs développements. Le contrat d’une durée de cinq ans est renouvelable jusqu’à une durée totale de 10 ans.

Pour le second appel d’offres, lancé par DSA, l’IRSN s’est associé à BelV, à l’autorité de sûreté australienne (ARPANSA) et à une université norvégienne (NMBU). Les prestations porteront notamment sur le futur démantèlement de réacteurs nucléaires et d’installations de stockage de combustible.

Ces deux contrats vont permettre de renforcer le positionnement européen de l’Institut en matière d’expertise de sûreté et de consolider la relation privilégiée qu’il a établie avec BelV.

RISQUE D’INONDATION CÔTIÈRE : L’IRSN CONTRIBUE À UNE NOUVELLE MÉTHODOLOGIE D’ESTIMATION

La situation de nombreuses installations nucléaires sur le littoral les rend sensibles au risque d’inondation côtière, d’où l’intérêt de disposer des meilleures estimations des niveaux extrêmes de la mer. Au sein d’une équipe de recherche franco-québécoise associant l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et l’Université Gustave Eiffel, l’IRSN a participé au développement d’une méthodologie améliorant la prise en compte de données historiques, qui présente un intérêt pour de nombreux sites nucléaires partout dans le monde ainsi que pour d’autres types d’infrastructures côtières telles que les ports ou les ponts.
Pour en savoir plus sur la base de données Tempêtes et submersions historiques

SÛRETÉ DE LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS : UNE ANNÉE CHARGÉE POUR L’IRSN

Les experts de l’IRSN ont été sollicités en 2022 pour apporter différentes contributions à une gestion sûre des matières et déchets radioactifs, dans un cadre tant national qu’international. Qu’il s’agisse d’éclairer les choix politiques dans ce domaine, d’étayer sur le plan technique les décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire ou encore de faire évoluer les conventions internationales pour répondre aux enjeux présents et futurs, l’Institut a mobilisé son expertise tout au long de l’année, comme en témoignent les trois actions suivantes.

Dans le cadre de son appui aux pouvoirs publics, conformément aux dispositions réglementaires, l’IRSN a remis à la ministre chargée de l’Énergie une proposition de méthodologie d’analyse multi-acteurs et multicritères des options de gestion possibles d’une certaine typologie de matières et déchets radioactifs, dans le cadre du Plan national dédié à leur gestion (PNGMDR). L’objectif de ce guide méthodologique est de faciliter l’aide à la décision publique en identifiant les critères retenus par une variété d’acteurs concernés pour mettre en lumière les avantages et inconvénients de chaque option de gestion des déchets, au regard des enjeux environnementaux et sanitaires, de sûreté, socio-économiques et territoriaux. Il permettra ainsi aux autorités de co-construire ce type d’analyse de façon ouverte et transparente, en amont de leurs décisions.

L’IRSN a analysé les dossiers relatifs au réexamen de sûreté du Centre de stockage de la Manche (CSM), installation de stockage de déchets de faible et moyenne activités à vie courte (FMA-VC) située sur le territoire de la commune de La Hague. Présentées devant le groupe permanent d’experts pour les déchets placé auprès de l’ASN, les conclusions de l’Institut montrent que le niveau de sûreté du CSM, qui a accueilli jusqu’en 1994 des déchets FMA-VC, est actuellement satisfaisant et maîtrisé pour la phase de surveillance de quelques centaines d’années. Il souligne néanmoins que la solution envisagée par l’Andra pour améliorer la longévité de la couverture du site laisse subsister des risques en cas d’intrusion dans le stockage au-delà de cette phase de surveillance, d’où l’importance de transmettre la mémoire de ces risques et d’évaluer l’opportunité de retirer certains déchets.

Enfin, dans le cadre de sa contribution aux activités de l’AIEA, l’IRSN a participé du 27 juin au 8 juillet 2022, à Vienne, à la 7e réunion de la commission d’examen de la convention commune de l’AIEA relative à la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. À la demande de l’ASN, représentant la France à cette convention, l’Institut a analysé une cinquantaine de rapports de pays contractants. Il a également présidé un groupe de revue des programmes nationaux de 11 pays signataires de la convention et participé aux présentations réalisées lors de la réunion d’examen.